Enjeux 2


CLAUDINE BERTHET – NICOLAS COUCHEPIN
SANDRA KOROL – CAMILLE REBETEZ

Ce volume contient:
Claudine Berthet En haut de l'escalier
Nicolas Couchepin – Les Yeux ouverts
Sandra Korol Salida
Camille Rebetez – Nature morte avec œuf

Théâtre
2006. 306 pages. Prix: CHF 16.–
ISBN 2-88241-170-7, EAN 9782882411709

«Nature motre avec œuf»
a été traduite en allemand par Yves Raeber

Publié en partenariat avec la SSA (Société Suisse des Auteurs)



Vous pouvez nous commander directement cet ouvrage par courriel.


Textes-en-scènes / atelier d’auteurs de théâtre 2004 est une remarquable et salutaire initiative de la Société Suisse des Auteurs (en collaboration avec Pro Helvetia, le Pour-cent culturel Migros et l’association Autrices et Auteurs de Suisse). Jamais auparavant une telle aventure n’avait été tentée en Suisse romande. L’enjeu est d’importance!
Les auteurs dramatiques sont invités à déposer un projet d’écriture pour le théâtre. Un jury de professionnels sélectionne quatre de ces propositions. Les heureux élus reçoivent alors une bourse et partent en résidence à périodes régulières durant cinq mois. Un dramaturge expérimenté et reconnu, l’auteur belge Jean-Marie Piemme pour cette première édition, les accompagne dans la construction et l’écriture de leurs pièces. Des théâtres, partenaires de l’opération, obtiennent un soutien financier lors de la mise en production de ces nouvelles écritures.
La création théâtrale contemporaine est un terrain essentiel à la vitalité d’une région, d’un pays. Cette première livraison en est la plus probante des démonstrations.

PHILIPPE MORAND, directeur de la collection Théâtre en camPoche



CLAUDINE BERTHET
En haut de l'escalier

Thomas, un jeune homme hanté par son enfance et par le mystère entourant ses origines, tente de renouer le fil qui le relie à son passé. Il entraîne son amie et confidente Sophie dans des jeux ayant pour but d’éclaircir les zones d’ombre qu’il ne supporte plus. Jeux dangereux et parfois pervers. Une sorte de descente aux enfers orchestrée par un innocent, la recherche d’une vérité impossible à saisir véritablement.
De cette quête désespérée, deux personnages se détachent alors : la mère de Thomas – qui emportera dans la mort le mystère de sa vie – et son grand-père, bien vivant, lui, qui est peut-être le seul à connaître la vérité.
Quand Thomas se retrouvera en face de son grand-père, ce n’est pas à une explication ni à une réconciliation qu’on assistera, mais plutôt à une mise à mort.



Claudine Berthet.
Née à Genève, elle habite Lausanne et exerce la profession de comédienne. Elle dirige également Arthéal,  une école de théâtre pour adultes. Auparavant, elle a également occupé des fonctions de co-productrice de fictions radiophoniques contemporaines à la Radio Suisse Romande. Elle écrit une première pièce Petits Gouffres qui reçoit en 2003 un des prix décernés par la Société Suisse des Auteurs (SSA). La réalisation de cette pièce à la RSR (par Patrick de Rham et elle-même) a été couronnée par le Prix du Texte au Festival Radiophonies 2005, ainsi que par le Prix Gilson 2005, (prix des radios publiques francophones) catégorie fiction. En Haut de l’Escalier est sa deuxième pièce.


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NICOLAS COUCHEPIN
Les Yeux ouverts

C’est la guerre. Retranchés dans un bunker, deux soldats, un jeune homme et un vieillard, surveillent le rideau d’arbres qui marque la frontière avec le pays ennemi. Une explosion les précipite à terre. Les deux hommes, blessés, peut-être mourants – mais si c’est le cas, ils ne le réalisent pas encore –, reviennent sur leur existence passée en évoquant les femmes qu’ils ont aimées. Au fur et à mesure de cette évocation, ces dernières prennent vie et interviennent pour rendre leurs derniers instants plus légers…


Nicolas Couchepin
est né à Lausanne en 1960. Son premier roman, Grefferic (Zoé 1996), obtient le prix Hermann Ganz de la Société suisse des écrivains, le prix des Bibliothèques pour tous et il est l’un des 10 romans nominés au festival du premier roman de Chambéry. Le Sel, (Zoé, 2000), obtient en 2001 le prix des auditeurs de la Radio suisse romande. Nicolas Couchepin a également écrit plusieurs pièces de théâtre, Chant des sirènes dans un océan de sable (Cahiers de la SSA,1999), L’antichambre aux crapauds,1999, La Griffure, 2001, Les Yeux ouverts, 2004, Interdit aux fauves, 2005.


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SANDRA KOROL
Salida
Création le 30 mai 2006, au théâtre de l’Alhambra, à Genève, dans une coproduction du Théâtre Le Poche Genève et de Textes-en-Scènes, une action de promotion culturelle initiée par la SSA, soutenue par Pro Helvetia, le Pour-cent culturel Migros et l’association Autrices et Auteurs de Suisse (AdS) en partenariat avec les théâtres romands.

À la suite d’une panne de voiture, Nahum se voit contraint de passer la nuit dans un lupanar en compagnie d’un lascar du nom de Pato, de Begonia, unique pute de l’établissement et de la tenancière du lieu, la Comtesse. Cette dernière affirme qu’elle rendra l’âme au point du jour. Entre rires et révoltes, elle exige des trois personnes présentes qu’elles l’aident à mourir. Une nuit, un lupanar, un papillon aux reflets verts et violets et des secrets qui remontent à la surface en un tango amoureux.
Salida, c’est la sortie, oui. Mais, pour peu que l’on change de point de vue, c’est, aussi, l’entrée. Ce texte est une réflexion sur nos mouvements de fuite, certes; sur nos mouvements de vie, par-dessus tout. En cela, l’interrogation sur la mort n’est pas morbide: elle rend la vie précieuse.

Sandra Korol
naît à Genève en 1975, d’une mère suisse et d’un père russo-argentin. Un mélange des données de base qui la font pencher naturellement vers un besoin profond d’éclectisme. Ainsi, après des études de philosophie, de littérature anglaise et de droit à Fribourg, elle enchaîne avec une formation professionnelle d’art dramatique au Conservatoire de Lausanne dont elle sort en 1999. Dès lors comédienne de théâtre et de cinéma, elle touche également à la mise en scène, enseigne le théâtre, œuvre en tant que journaliste free-lance pour divers magazines, et travaille pour la télévision suisse romande en culture et en divertissement.
L’écriture fait irruption dans sa vie par inadvertance presque, à la suite de l’envoi d’un projet hypothétique dans le cadre d’un concours lancé par la Société Suisse des Auteurs et la Radio Suisse Romande. Sélectionnée, elle part en résidence aux Maisons Mainou, dans le canton de Genève, et y écrit sa première pièce,
Soledad, une dramatique produite par Espace 2 au mois de juin 2001. Elle poursuit avec la pièce Sismen, jouée à Vevey en 2002, et, la même année, reçoit la bourse SSA de soutien à l’écriture théâtrale contemporaine avec son projet 20 Petits Contes Miracles et un épilogue. En 2004, elle participe à la première version du projet Textes en Scènes et écrit Salida sous l’égide du dramaturge Jean-Marie Piemme; quelques mois plus tard, elle est lauréate du prix romand de littérature initié par le magazine Profil.Femme, avec la nouvelle RaNa.
Sa pièce
KilomBo, publiée dans Enjeux 1, a été jouée avec un grand succès au Théâtre de Vidy, à Lausanne, en mars 2006.
En 2005, elle écrit la pièce
Un temps pour tout qui est jouée au théâtre 2.21 à Lausanne par la Cie V.I.T.R.I.O.L. dont elle est l’une des co-fondatrices.


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CAMILLE REBETEZ
Nature morte avec œuf
Création le 10 mai 2006, à la Maison des Arts Thonon-Évian, dans le cadre de l’opération Colporteurs, une coproduction du Théâtre Le Poche Genève, de l’Arsenic Lausanne, de Château Rouge Anemasse, de la Maison des Arts Thonon-Évian, de la Cie Angledange et de Textes-en-Scènes, une action de promotion culturelle initiée par la SSA, soutenue par Pro Helvetia, le Pour-cent culturel Migros et l’association Autrices et Auteurs de Suisse (AdS) en partenariat avec les théâtres romands.

Günther von Hagens, le célèbre et non moins contesté plastinateur de cadavres, approche l’homme le plus grand de Russie pour en marchander la future dépouille. Le Russe, pétri de rhumatismes et dans une misère toute post-soviétique, refuse néanmoins de lui céder les droits sur son corps monstrueux.
Nature morte avec œuf propose un bestiaire grotesque et inquiétant inspiré de ce fait divers. Évariste y règle ses comptes avec le Créateur en cherchant à mettre enceinte Violette la bossue. On ne laissera pas à Violette, rebut de l’humanité, le droit de faire la fine bouche. C’est à ce prix qu’Évariste parviendra peut-être à dire merde à Michel-Ange. Dans Nature morte avec œuf, c’est les pieds dans la fange que naissent les héros.



Camille Rebetez.
Né à Saignelégier en 1977. En 2001, le prix théâtre de la FARB pour sa courte pièce Métaphysique de la Patate, publié aux éditions de la SJE, oriente définitivement ses études à l’UQÀM (Université du Québec à Montréal) vers l’écriture dramatique. Lorsqu’il revient de Montréal en 2003 avec un baccalauréat en critique et dramaturgie et une maîtrise en écriture dramatique, il délaisse les grands centres pour s’établir à Porrentruy. Il y fonde le Théâtre Extrapol avec de jeunes professionnels jurassiens. Auteur associé de la compagnie, il écrit le textes des deux spectacles créés à ce jour, Comme un quartier de mandarine sur le point d’éclater, avec pour cadre les anciens fours à chaux de St-Ursanne en 2004, et Guten Tag, ich heisse Hans en tournée en 2005-2006 dans l’arc jurassien et la Romandie. Il écrit parallèlement Nature morte avec Œuf lors de l’opération Textes en Scènes en 2004, puis reçoit une bourse d’écriture théâtrale de la Loterie romande en 2005. Depuis 2005, il enseigne également le théâtre à l’Ecole de Culture Générale à Delémont..


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Théâtre. Après six mois d’atelier d’écriture, des auteurs offrent à découvrir leurs œuvres samedi à Lausanne.

Premier acte pour quatre plumes enchantées à Vidy

Au bout du labeur, la grâce peut-être. Sur le sol, quarante-cinq feuillets. Sandra Korol, 29 ans, les a éparpillés dans la vaste chambre du prieuré où elle cherche le sens d’un texte qui lui échappe encore. En ce mois de novembre, à Romainmôtier, dans le bâtiment de l’Arc, la nuit autorise toutes les fulgurances. La jeune femme, distinguée en juin passé par un jury de professionnels pour participer avec trois collègues à un atelier d’écriture théâtrale, se souvient qu’elle est d’origine argentine. Elle enchaîne les salidas, sept pas qui permettent d’entrer dans le tango. Et à chaque fois que le mouvement commande de croiser les jambes, elle se fige sur une feuille. «Je tombais sur les articulations délicates de la pièce.» Elle retouche ces passages, redispose les éléments d’un drame titré Salida, à entendre par la voix d’acteurs chevronnés samedi au Théâtre de Vidy à Lausanne, comme les textes de ses camarades.
Écrire en dansant. Écrire surtout accompagné d’un maître aussi généreux qu’inspirant: Jean-Marie Piemme. Cet écrivain belge est joué partout en Europe. La Société suisse des auteurs (SSA), Pro Helvetia, le Pour-cent culturel Migros et l’association Autrices et Auteurs de Suisse lui ont proposé de diriger un atelier d’écriture dramatique d’un nouveau genre sous nos latitudes. Directeur de la nouvelle collection Théâtre en camPoche chez Bernard Campiche, Philippe Morand note: «On n’avait jamais proposé jusqu’ici à un auteur d’une telle carrure de former des collègues.»

Nouvelle dynamique

Cette ambition, Claude Champion, président de la SSA, la revendique. Et il souligne que sept grandes scènes romandes, dont Vidy et Carouge, sont partenaires de l’opération. «Les directeurs de salle passent à l’acte. On peut espérer qu’une ou deux de ces pièces seront programmées dans les trois ans à venir.» La SSA prévoit d’octroyer 20000 francs à l’institution qui miserait sur l’inédit (le coût d’une production sur une scène institutionnelle oscille entre 200000 francs et 600000 francs).
De juillet à décembre, à raison de cinq ateliers d’une durée de quatre à cinq jours chacun aux Maisons Mainou dans la campagne genevoise et à l’Arc à Romainmôtier, Jean-Marie Piemme fut un Pygmalion de rêve. Il explique: «Loin de moi l’idée d’imposer une ligne, un modèle, comme dans certaines écoles d’écriture américaines. Je ne voulais pas porter de jugement sur les textes à la manière d’un professeur, mais faire un voyage dans quatre têtes.»
Cette approche fait merveille. Tout comme Sandra Korol, la comédienne Claudine Berthet, 27 ans, et le Valaisan Nicolas Couchepin, 44 ans, affirment avoir franchi un cap décisif grâce à leur mentor. Claudine Berthet: «Il m’a désinhibée.» Camille Rebetez: «J’ai perdu ma naïveté. Il m’a initié à une technique de fabrication. À chaque fois que je rendais une version de mon texte, j’avais le sentiment de faire un pas en avant.» Nicolas Couchepin: «Il était comme un guide de montagne. Il a fait le chemin avec moi.» Sandra Korol: «Devant nos brouillons, sa question favorite était: «Ne penses-tu pas que tu peux trouver quelque chose de plus éblouissant?»

ALEXANDRE DEMIDOFF, Le Temps


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Une scène pour les auteurs de théâtre

Création. Quatre pièces, nées du concours lancé l’année dernière par la Société suisse des auteurs, seront lues à des directeurs de théâtre samedi à Vidy-Lausanne. Une première romande.

Ça bouge dans le domaine de la création suisse de textes pour le théâtre. Réunis pour la première fois au début de l’année dernière, les Écrivains associés du Théâtre de Suisse francophone (EAT) ont organisé en septembre un marathon de lecture d’une journée au Théâtre de Vidy. Puis se sont rapprochés, en novembre, de leurs homologues alémaniques à l’occasion d’un café littéraire qui s’est déroulé au Théâtre des Osses à Givisiez.
Pour affirmer leur présence (seuls 12 % des auteurs vivants sont joués dans les théâtres de Suisse romande), ces créateurs peuvent notamment compter sur la Société suisse des auteurs (SSA), qui a en outre décidé de stimuler l’écriture de pièces.

Sept théâtres partenaires

Elle a lancé l’année dernière le concours de création «Théâtre en scènes» qui, avec le soutien du Pour-cent culturel Migros, de Pro Helvetia et de l’association Autrices et Auteurs de Suisse, a offert à quatre lauréats un atelier d’écriture assorti d’une bourse de 10000 francs. Particularité du projet, sept théâtres romands en sont partenaires, dont celui des Osses (Centre dramatique fribourgeois).
Samedi prochain à Vidy-Lausanne, leurs directeurs et représentants découvriront, lus par des comédiens, les fruits des ateliers d’écriture conduits par le dramaturge belge Jean-Marie Piemme: quatre pièces signées Claudine Berthet, Sandra Korol, Camille Rebetez et Nicolas Couchepin. Ces lauréats, sélectionnés parmi une vingtaine de candidats, ont travaillé avec Jean-Marie Piemme quatre jours par mois, de juillet à décembre dernier.
Ils espèrent que leur pièce sera choisie et créée par un des théâtres, ce qui est le but de l’opération. L’institution bénéficiera alors d’un soutien de 20'000 francs, et l’auteur d’une nouvelle bourse de 5000 francs qui lui permettra d’accompagner la naissance scénique de son œuvre. «C’est la première fois que les grandes institutions culturelles du pays rassemblent leurs énergies pour donner toutes ses chances (et des moyens financiers) à la création de théâtre contemporaine en Romandie», relève Christiane Savoy de la SSA.
Sandra Korol, 30 ans, née d’une père russo-argentin et d’une mère suisse (qui vivent à Villars-sur-Glâne), est comédienne formée au Conservatoire d’art dramatique de Lausanne. «Je n’ai jamais voulu être écrivain», dit-elle, «l’écriture est vraiment venue me chercher.» C’était en 2001, on lui suggère de participer à un concours de création de pièces de théâtre radiophoniques lancé par la SSA (Espace 2 voulant relancer cette production).
«Mon texte a été retenu, puis une jeune compagnie m’a commandé une pièce.» En 2004, Sandra Korol remporte avec une nouvelle le Prix littéraire du magazine Profil Femme. Et la saison prochaine, une nouvelle pièce sera créée par une grande institution romande (elle ne veut pas encore dire laquelle). Dans Salida, qu’elle dévoilera samedi à Vidy, la jeune autrice fait se rencontrer une femme qui va mourir et trois autres personnages auxquels elle demande de l’aider à partir.

Entrer dans la danse

«J’avais envie d’écrire quelque chose sur la mort», explique Sandra Korol. «La mort non pas comme une sortie définitive et irréversible, mais comme un passage vers quelque chose d’autre, une entrée, pour la personne qui part et pour celles qui restent. Salida, en espagnol, c’est la sortie, mais c’est aussi, dans le tango, le premier pas que l’on fait toujours pour entrer dans la danse.»
En tant que comédienne, Sandra Korol écrit bien sûr en pensant au jeu, se demandant toujours «Est-ce que ça peut fonctionner ou pas?» Le travail d’écriture avec Jean-Marie Piemme, notamment sur la structure de la pièce, a été précieux. «J’ai écrit de manière moins intuitive qu’avant.»

FLORENCE MICHEL, La Liberté


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Textes en scènes 2004

Le 29 janvier dernier au Théâtre Vidy-Lausanne, plus de cinq cents spectateurs sont venus écouter les mises en lectures des auteurs lauréats de Textes en scènes 2004: Claudine Berthet, Sandra Korol, Camille Rebetez et Nicolas Couchepin. Formidable journée de théâtre: découverte, dans une atmosphère à la fois attentive et enthousiaste, de quatre nouvelles qui appellent metteurs en scène et théâtres pour que nous puissions les voir prochainement en création: En haut de l’Escalier, Salida, Nature morte avec œuf, Les Yeux ouverts. Au nom de ses collègues, Sandra Korol évoque les ateliers aux Maisons Mainou et à l’Arc qui ont conduit ces écritures. Textes en scènes est une action conjointe de la SSA, Pro Helvetia, le Pour-cent culturel Migros, l’AdS, en partenariat avec sept théâtres romands.
La vie a cela de merveilleux qu’elle a toujours plus d’imagination que nous. En conséquence de quoi, elle a le chic pour bidouiller des rendez-vous d’une justesse bouleversante: celui du premier acte de Textes en scènes se composait de deux grands gars, de deux petites bonnes femmes et de quatre univers totalement différents! On aurait pu craindre le contraire, tant le formatage est d’actualité, mais non… Quatre paroles distinctes, quatre chemins particuliers et quatre envies précises pour quatre voyages aux antipodes. Et c’est à cela qu’il faut peut-être attribuer la première réussite de ce rendez-vous. Quatre planètes originales, c’est la promesse de quatre conjonctions d’autant plus formatrices qu’elles sont pacifiques, puisqu’à aucun moment ne se rencontre le risque de fouler le même terrain. Et puis, surtout, la vie a eu le bon goût de placer au centre de ce carrefour-ci une source entièrement dédiée au ravitaillement des voyageurs. En milieu hostile, c’est autour des sources que se déclenchent les guerres les plus féroces. Surtout si la source en question ne crachote que de rares gouttelettes et que les prétendants sont nombreux. Or, en six mois, la source ne s’est jamais tarie, au contraire. Et voilà bien l’autre réussite de ce projet.
En proposant Jean-Marie Piemme comme puits-guide et sage-femme (le maître ne se doit-il pas d’amener l’élève à accoucher de ce qu’il sait déjà?), il nous a été offert d’initier un dialogue placé sous le signe de l’abondance, en cela fluide et pertinent. Pertinent, parce que tissé avec un homme qui sait non seulement décortiquer le texte de théâtre et en divulguer les secrets sans retenue, mais qui sait aussi l’écrire. Parler écriture avec quelqu’un dont les doigts sont encore tout tachés de l’encre de ses propres mots force le respect! Et puis, Jean-Marie Piemme a cette sublime élégance de ne jamais railler l’univers proposé, de s’attacher à n’en souligner que les incohérences évidentes de fabrication, et tout cela dans le seul dessein de voir se dresser la plus belle des architectures. Enfin, il a surtout cette génialissime capacité à adopter la langue de l’autre, de sorte que la circulation des hypothèses soit à la fois horriblement efficace et d’un humour somptueux. Car ce grand petit bonhomme semble avoir compris, que lorsqu’il s’agit de dire la vérité aux gens, il faut faire en sorte qu’ils en rient. Sinon ils vous tuent. Une perspicacité désarmante et délicieusement agaçante… On en redemande…

SANDRA KOROL


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À 31 ans, la dramaturge et comédienne a le vent en poupe. Rencontre avant la première à Genève de sa pièce Salida.
Sandra Korol, étoile mutante


Longtemps, elle a juré que jamais – au grand jamais – elle n’écrirait pour le théâtre. Longtemps elle a dit qu’elle ne comprenait rien – mais alors rien – à la mise en scène. Souvent, «six cents fois au moins», elle a commencé, puis abandonné, des journaux intimes. Mais, en marge des planches, la comédienne Sandra Korol a la plume qui démange. Elle écrit des lettres, des lettres d’amour, quand un jour l’une d’elles prend la forme d’une nouvelle. Elle la soumet au jury d’un concours littéraire. «J’étais très éprise et j’imaginais que si mon texte était publié, j’irais offrir le livre à la personne concernée. Ce serait une monstre preuve d’amour.» Le jury n’a pas croché. Le dulciné on plus.
Trop tard, Sandra Korol s’était piquée au jeu et tentait bientôt sa chance ailleurs. Sélectionnée lors d’un autre concours, la future dramaturge s’installe en résidence aux Maisons Mainou de Genève. Elle a un mois pour rédiger une pièce radiophonique. «À quarante-huit heures de l’échéance, j’ai découvert ce qu’était un synopsis. J’ai écrit Soledad en une nuit.» Voilà comment, quelques pièces, prix et bourses plus tard, Sandra Korol se retrouve, à 31 ans, publiée et jouée à Lausanne, Vevey ou Genève.

Tendance

On dit même que c’est la tendance du moment. De nouvelles plumes, jeunes et souvent femmes, sont en vogue dans les théâtres romands. Et chez l’éditeur Bernard Campiche, qui lançait en 2004 une collection consacrée à cette brochette de talents émergents. Pas grisée pour deux sous, Sandra Korol tempère: «Une génération montante? Peut-être. Les spécialistes ont toujours besoin de qualifier les phénomènes. Mais je ne sais pas trop à quoi j’appartiens.» L’éditeur vaudois confirme pourtant: «Pour le théâtre, la relève est là, c’est sûr. Sandra Korol en est l’un des piliers. C’est rare de voir une personne si jeune avec tant de moyens. À l’évidence, elle a un grand avenir.»
Perché sur les hauts de Lausanne, son trois pièces sent bon l’encens. Il est meublé sobrement, lumineux, bien rangé. «Normal, c’est ici que je travaille tous les jours.» Sur le mur, une photo de Fragile, le film de Laurent Nègre où elle interprétait un rôle secondaire. «J’étais morte de peur, pas parce que j’avais une scène d’amour avec une femme, mais parce qu’il fallait jouer nue.» Plus tard, elle confiera qu’elle n’a pas de plan de carrière. Qu’elle espère rejouer au cinéma. Et se mettre au roman, un jour. Même si, pour l’heure, c’est toujours le théâtre qui l’intéresse. «La pièce de théâtre est un texte à trous. Il faut faire l’expérience du vide, de la concision. Parce qu’une réplique doit condenser un ensemble de choses: le public, la scénographie, la mise en scène. Dans un roman, au contraire, on peut blablater.»
Tout au plus, elle remarque qu’au fil de ses sept textes, elle s’est forgé un style. («On me dit souvent que j’écris comme les auteurs sud-américains») et que le thème du lien («Le lien à soi, au souvenir, aux racines») revient souvent. «C’est une Lorca moderne», s’enflamme Françoise Courvoisier, qui met en scène Salida dès mardi à Genève –, une histoire de mort et d’exil sur fond de tango argentin. «Son écriture est passionnément poétique, dense et intense, à rebours d’une mode actuelle, très réaliste et ancrée dans le quotidien.»

Secrets

Une mère suisse alémanique mais d’origine tzigane, probablement. Un père argentin, mais d’origine russo-roumaine. «Mon histoire familiale est faite de fuites à répétition dont je n’ai aucune trace», raconte Sandra Korol. Son père était un médecin aux idées humanistes et révolutionnaires – «il est sorti avec la cousine du Che». Il s’exile à Genève dans les années septante: la junte militaire argentine l’avait inscrit sur sa liste. «Mon père ne nous a jamais parlé en espagnol. Il n’est retourné en Argentine que vingt ans après son départ. En 2003, j’ai rencontré mes cousins pour la première fois. On a le même humour. Ils sont comédiens et écrivent, comme moi. Je crois qu’il y a des secrets plantés dans la terre.»
Avant de découvrir les secrets de la terre – ou du ciel, c’est selon –, Sandra Korol papillonne. Elle veut devenir psychanalyste, s’intéresse à la criminologie. Lorsqu’elle rate sa demi-licence de droit, son rêve d’enfant ressurgit. Elle s’inscrit en art dramatique au Conservatoire de Lausanne. Elle y reste trois ans, avant d’être virée. «On m’a dit que je n'avais rien à faire dans le monde du théâtre», sourit-elle, pas revancharde, mais meurtrie peut-être. «Une telle sentence, ça vous détruit. Mais la vie est faite de cycles. Quand l’un d’eux se termine, c’est toujours violent. C’est un peu comme si on était dans le compost et qu’on allait en ressortir différente. Finalement, tout cela a créé en moi l’urgence d’écrire.»
La roue tourne. Gérard Diggelmann croit en elle et lui propose un premier rôle et des heures d’enseignement dans son école de théâtre pour enfants. Elle se met à écrire, co-fonde une compagnie. «On était quatre nanas. On a décidé de s’attribuer nous-mêmes les rôles qu’on ne voulait pas nous donner.» Dans un paysage contemporain où les femmes sont souvent cantonnées aux rôles secondaires, Sandra Korol crée «instinctivement» beaucoup de figures féminines dans ses pièces. «Pour donner du travail à mes copines! Et parce que c’est l’univers que je connais le mieux.»
Du travail à ses copines, et du plaisir au public. Tous les publics. «À l’Uni, le discours était fort. On nous répétait qu’on était l’élite. Mais je suis persuadée que le théâtre est un lieu où la parole est apportée à ceux qui ne peuvent pas forcément lire. J’aimerais que chacun trouve une porte d’entrée dans mes textes.» Elle insiste: «J’ai horreur de sortir d’une pièce en me disant que je suis stupide parce que je n’ai rien compris.» Mais, loin de camper sur ses certitudes, Sandra Korol sait qu’elle a appris à cerner son univers «dans la douleur», en définissant d’abord ce qu’il n’était pas. «Et puis, je ne suis vraiment devenue adulte qu’à 30 ans. Ça fait seulement six mois que je suis en paix avec l’écriture.»

RAPHAËLE BOUCHET, Le Courrier


L’éclosion d’un grand talent

C’est toujours un bonheur que de saluer l’apparition d’un nouveau talent, et notamment lorsque celui-ci rayonne avec autant de sensibilité et d’intelligence que celui de Sandra Korol, à la fois comédienne de théâtre et de cinéma, metteuse en scène et auteure dramatique. À ce dernier titre, la jeune Lausannoise (d’adoption, puisqu’elle est née à Genève de père argentin aux origines russo-roumaine et de mère alémanique de souche gitane) a déjà huit pièces à son actif, dont la troisième, KilomBo, sera représentée dès le 7 mars à Vidy.
«J’ai toujours rêvé d’être actrice », nous confie Sandra Korol dans son petit deux pièces-cuisine de jeune femme vive et nette, qu’on sent à la fois ouverte et décidée, précise et réfléchie dans ses propos. Sans l’ombre d’un complexe, elle se rappelle que c’est les représentations d’«Au théâtre ce soir», à la télé, et les pièces de boulevard qu’elle allait voir avec ses parents qui ont tissé sa première culture théâtrale. De père médecin enfui d’Argentine dès le début de la dictature - il n’eût pas manqué d’être arrêté pour ses positions révolutionnaires -, Sandra Korol n’a pu aborder avec lui cet aspect de son ascendance que sur le tard, avant un séjour en Argentine où elle retrouva sa famille (dont plusieurs acteurs connus) et écrivit KilomBo… en deux semaines.
De solide formation classique (latiniste au gymnase fribourgeois de Sainte-Croix, puis aux facs de Lettres et droit où la philo et la criminologie - «pour comprendre la source du mal» - faillirent la happer), Sandra Korol a retrouvé presque fortuitement le fil rouge de sa première aspiration. Un examen raté coïncidant avec les retrouvailles d’une amie devenue comédienne, une inscription de dernière minute au Conservatoire, les rencontres de trois personnes qu’elle reconnaît pour «maîtres» successifs (Gérard Diggelmann qui l’engagea comme enseignante en son école de théâtre pour enfants, Florence Heininger qu’elle seconda à l’émission «FaxCulture» et le dramaturge Jean-Marie Piemme) ont marqué un parcours à la fois tâtonnant et comme fléché par l’obscure logique des vraies vocations, où les rejets (telle prof qui la déclara mauvaise comédienne, ou tel metteur en ondes trouvant sa première pièce «de la m…») font parfois office de stimulants, autant que le bon accueil (d’un Denis Maillefer ou d’un Andrea Novicov).
L’écriture, à laquelle Sandra Korol ne toucha d’abord qu’en surface en qualité de rédactrice d’articles dans la rubrique socio-psycho d’un magazine, elle y plongea ensuite en un mois de frénésie pour en tirer Soledad, pièce radiophonique diffusée sur Espace 2 en 2001. Dans la foulée, de commandes en bourses et autres prix, ateliers et mises en scène, 6 ouvrages de théâtre ont vu le jour, la plupart du temps écrits dans l’urgence, voire «sous dictée» comme le fut KilomBo.
Si le rendez-vous de la jeune actrice avec la gloire-minute, dans le dernier film de George Clooney où elle était censée débiter deux paires de phrases, est resté sans lendemain (la scène ayant été supprimée avant le tournage…), son rêve d’enfant s’est réalisé avec Fragile de Laurent Nègre, dans lequel elle tient le rôle de l’amie de la protagoniste, aux côtés de Marthe Keller. «Lorsque j’ai vu le film achevé, après une belle expérience humaine et artistique, j’ai ressenti une joie qui n’avait rien de factice.»
Comédienne ou auteur? D’aucuns voudraient la classer dans une case ou l’autre, mais Sandra Korol entend vivre la double condition, plus celle de la mise en scène, ainsi qu’elle l’a assumée avec La femme comme champ de bataille au théâtre genevois du Crève-Cœur.
À l’orée de la trentaine, le talent de Sandra Korol lui ouvre de vastes horizons, où le roman devrait également cristalliser bientôt les thèmes qui la hantent: la mémoire, le lien, la filiation – cela même qu’illustrent ses pièces à découvrir ces prochains temps et plus précisément, après KilomBo: Salida en mai, au Poche de Genève.
«Salida signifie à la fois la sortie et la mort, la fuite du père qui m’a offert ma bi-nationalité, l’exil, mais aussi le premier pas dans la danse et la renaissance, pour moi qui n’ai pas eu à fuir tout en restant imprégnée de la réalité du déracinement»…

Madame Socrate au dépotoir

On pense à Beckett en lisant KilomBo, non tant pour l’écriture que du fait de la situation dans laquelle se trouvent ses deux personnages: reclus dans un souterrain rempli de détritus que ne cesse de cracher un énorme vide-ordures. De quoi rappeler la « journée divine » de Winnie et Willie dans Oh les beaux jours… Or Sandra Korol affirme n’avoir rien lu de Beckett, et quelle raison aurions-nous d’en douter ? De fait, sa pièce instaure, entre Gorda l’adipeuse aînée qui en sait un bout sur la haine sévissant en surface, et Nena la plus jeune aspirant à sortir de ce trou pour connaître enfin l’Amour, une relation initiatique très particulière où cruauté et tendresse se mêlent. Comme chez Beckett ou Pinget, l’horreur (Gorda et Nena ayant pour tâche de bouffer les déchets du monde d’en haut) est en effet exorcisée par le rire, dans un registre grinçant tout personnel qui va de pair avec le lyrisme d’une langue superbe.

JEAN-LOUIS KUFFER, 24 Heures


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KilomBo, l’amour invisible

Vidy-Lausanne – Sandra Korol affirme son talent de dramaturge avec une pièce dont Nathalie Lannuzel signe la mise en scène. Grinçant.

Après la publication dans la nouvelle collection Enjeux de l’éditeur romand Bernard Campiche avec trois autres pièces de théâtre, voici la création scénique: KilomBo de Sandra Korol est à découvrir à Vidy-Lausanne où les comédiennes Jane Friedrich et Valeria Bertolotto lui donnent chair.
«L’histoire se déroule sous terre, dans une déchetterie exiguë. Elle dure aussi longtemps qu’on le souhaite», indiquait l’auteure en préambule. Sandra Korol a laissé Nathalie Lannuzel, choisie par le théâtre, créer librement sa mise en scène. «Je n’ai pas voulu assister aux répétitions», dit-elle.
Dans KilomBo, il y a le parcours personnel de Sandra Korol. Née en 1975 de mère suissesse et de père argentin aux origines russes, elle obtient son bac au collège Sainte-Croix de Fribourg puis étudie notamment la philosophie à l’Université de la même ville. Puis choisit le théâtre au Conservatoire de Lausanne, dont elle sort diplômée en 1999.
Depuis elle joue (au théâtre et au cinéma), met en scène, écrit… et remporte des prix. Comme celui de Textes en scène, qui verra sa pièce Salida créée en mai prochain au Poche de Genève, KilomBo a été écrite en 2003 à Buenos Aires, où Sandra Korol retrouvait une partie de ses racines. Elle y a vu des misérables «cartoneros», individus ou familles entières, ramasser des cartons pour les revendre. En espérant des jours meilleurs… Elle y a entendu le mot «quillon» qui signifie pagaille, chaos.
Ainsi les deux personnages de KilomBo, Gorda – la vieille – et Nena – la jeune – vivent sous terre et recyclent, en les mangeant, les ordures déversées par le monde d’en haut qui a sombré dans la violence. Dans un décor oppressant, à la fois hyperréaliste et métaphorique signé Gilles Lambert, les deux femmes en haillons attendent l’amour.
Il s’appelle KilomBo, l’homme magique qui a fait sentir à Gorda «l’odeur d’une étoile», avant de disparaître. C’est pour le même que Nena compte les jours. Le même mirage. Il les éloigne toutes les deux du lien, vrai celui-ci, qui les unit dans ce souterrain. Si la mise en scène, en accentuant la couleur sombre et grinçante de la pièce, étouffe les moments plus drôles de ce tête-à-tête aux accents beckettiens, la richesse de l’œuvre reste évidente.

FLORENCE MICHEL, Le Courrier


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Sinueuse sage sanguine
En huit textes Sandra Korol propose une nouvelle façon de raconter la folie des hommes. Le festival Février des auteurs a permis d’entendre cette langue douce-amère à Neuchâtel. Une conteuse lucide.

Dans Cargo 7906, le personnage écrit avec des sanguines. De la pulpe et du pourpre, du jus et de l’hémoglobine. On reconnaît dans ce huitième texte de Sandra Korol les plaies recouvertes d’argile et de sucre glacé que chérit cette dramaturge originale et prolifique. Le public neuchâtelois a découvert ce week-end, dans le cadre du festival Février des auteurs, une manière de sculpter le langage où l’on ressent l’influence des intrépides guerrières qui l’ont précédée comme Sarah Kane ou Elfriede Jelinek. Mais qui dessine aussi en creux le portrait d’une trentenaire ni nihiliste, ni idéaliste, qui fabrique de drôles d’objets scéniques. Comme si elle trempait dans l’éther son univers doux-amer de Vaudoise métissée par le tango et la Volga. Elle l’exprime différemment: «Je plonge mes mains manucurées dans la boue.»

«Ma guerre sainte»

Dans l’air du temps, Sandra Korol, peut-être… Parce que depuis 2001 ses textes remplissent des salles prestigieuses comme Vidy et ravissent le public comme la profession. La Genevoise Françoise Courvoisier qui a mis en scène Salida en témoigne: «J’aime ses textes pour leur souffle poétique et leur violence intérieure, leur rythme. Des partitions musicales avec des qualités concrètes.»
Efficace et à fleur de peau, mais sans faire de concession, elle qui est aussi comédienne refuse parfois de prendre position ou d’écrire des chroniques: «Je m’engage profondément dans mon écriture. C’est ma guerre sainte, je me sens parfois en guerre contre moi-même pendant la création. Mais je me sens sereine, joyeuse, je ne suis pas révoltée, je ne me promène pas avec un flingue dans les mains. Parfois les armes silencieuses de la Suisse m’effrayent, la confusion entre être et avoir, l’éclosion de la télévision, des magazines people, des gadgets. De plus en plus jeune, on détruit l’attention des gens. J’ai juste envie de leur dire «regarde ce qui se passe et tu découvres ce que tu veux».
Elle loue la vocation des EAT, les écrivains de théâtre de Suisse: «En tant que mauvaise administratrice j’admire leur travail structurel. Mais je ne veux appartenir à aucune association d’écrivains. Je trouverais très bien ma place dans l’association suisse des végétariens, mais avec les auteurs je patauge. Quand j’écris, je ne me pose jamais ces questions de public ou du rôle du théâtre que l’on évoque dans les débats. Je me sens profondément liée à une terre qui subit la folie des hommes.»
Dans Cargo 7906 elle écrit que «le vrai bonheur vous tombe dessus», et dans KilomBo: «Et l’âme cette conne d’âme, elle est capable d’attendre des siècles assise dans la boue de l’espoir avec des fleurs en toc.»

Miracles infestés

On pense à Pipilotti Rist et Louise Bourgeois pour cette galaxie de femmes, d’espace de rêve parfois noyé, broyé, déchiqueté par la force des molaires. Mais Sandra Korol sait aussi raconter des histoires, vous emmener dans un univers qui ressemble à la terre, mais qui surprend par des décalages subtils, des contretemps.
Quand le comédien Darius Khetari s’est raconté pour se fondre dans l’univers de la dramaturge, elle a d’abord séché: «Il m’a dit qu’il adorait les récits grecs, les antihéros, la parole directe, les contes, New York et les hamburgers.» Comme l’encre ne coule pas, elle part en Bretagne chez une amie: «Je me suis nourrie de gâteaux au chocolat et d’objets ramenés par la mer.» Et en deux jours, quarante pages apparaissent comme des miracles infestés, comme des anges ravagés. Le comédien précise ensuite ses besoins, elle retravaille. «Je coupe tout ce qui peut être joué. Je tisse des textes à trous que d’autres artisans du théâtre remplissent, c’est la magie de la vie.»

ALEXANDRE CALDARA, L’Express


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Camille Rebetez, le dramaturge romand récompensé en Suisse alémanique.
«Mon indignation permanente définit mon écriture.»


Porrentruy-Thoune - La troupe jurassienne Extrapol a reçu le Prix suisse de l’innovation 2006 de l’Association théâtres-promotion pour son dernier spectacle. Une distinction suisse alémanique pour le jeune dramaturge franc-montagnard.

À 28 ans, Camille Rebetez commence sur les chapeaux de roue une carrière de dramaturge. Sa pièce «Guten Tag, ich heisse Hans» vient de recevoir le Prix suisse à l’Innovation 2006 de l’Association théâtres-promotion de Thoune.
Cinq ans à l’Université à Montréal pour passer une licence en critique et dramaturgie, suivis d’une maîtrise en écriture: voilà pour la base du jeune auteur. Retour en Suisse en 2003, où il s’installe à Porrentruy et y crée avec la metteur en scène Laure Donzé – son épouse – le théâtre Extrapol. «De retour du Québec, nous voulions faire quelque chose à partir du Jura, avec des amis partis eux aussi se former aux arts de la scène», explique l’heureux papa d’une petite Alice, 1 an. Le deuxième spectacle de la troupe jurassienne, «Guten Tag, ich heisse Hans», est une parodie de la fameuse méthode d’apprentissage de l’allemand Vorwärts, que nombre d’élèves romands des années 70 et 80 ont expérimentée. Les répliques du jeune auteur ont fait rire des salles combles l’année dernière en Romandie. «C’est assez paradoxal que cette pièce soit distinguée en Suisse allemande alors que nous ne l’avons jouée qu’en Suisse romande. La presse alémanique, et même allemande, a fait largement écho à ce prix, alors que les médias de ce côté-ci de la Sarine ont quasi ignoré l’événement. Mais il est vrai que nous sommes jurassiens…», commente Camille Rebetez. Ce spectacle sera à nouveau sur plusieurs scènes romandes cette année.
«J’ai commencé d’écrire vraiment à 22 ans. Mon travail avec Extrapol ne relève pas de la même démarche que mon écriture personnelle», explique-t-il. Entre deux spectacles, Camille enseigne le théâtre à l’École de culture générale de Delémont, ce qui lui laisse encore le temps de poursuivre sa vie d’écrivain. Sa dernière création, Nature morte avec œuf, lui a valu l’année dernière d’être un des quatre lauréats du concours organisé par la Société suisse des auteurs. Le texte sera bientôt créé sur scène, au théâtre Arsenic de Lausanne.
«J’essaie de faire quelque chose d’un peu nécessaire. Mon indignation permanente définit mon écriture mais je suis encore bien en dessous de la réalité. J’écrirai des poèmes bucoliques lorsque le monde sera parfait», analyse Camille Rebetez.

HÉLÈNE MOLL, Le Matin



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Le renouveau des scènes jurassiennes

Camille Rebetez ou le théâtre comme matière

Mais combien sont-ils, ces Rebetez qui hantent nos allées et nos chroniques depuis des lustres? On les voit partout, ou plutôt il y en a toujours un qui se pointe à l’horizon du théâtre, de l’écriture, de la photo ou de l’édition… Tous plus ou moins de la tribu, les Camille, Jérôme, Eugénie, Augustin, Péan, Pascal et on en oublierait, fils, père, frère ou sœur, cousin cousine, s’illustrant avec talent dans la pratique de tel art.

Au carrefour de la vie et du théâtre

Et ce Camille, justement, dont le prénom est désormais familier à la vie culturelle de ce pays, ce Camille dont la haute silhouette le préserverait de passer inaperçu en coulisse, celui-là commence à dominer l’espace théâtral d’une bonne tête, en notre Jura et au-delà… Ce jeune trentenaire est le compagnon de Laure Donzé qui forme au Lycée cantonal où elle a succédé à Germain Meyer, des pléiades de futurs comédiens. Ils se sont liés au Québec où il était allé la retrouver.
Mais c’est à l’Université de Montréal qu’ils boucleront, ensemble, une formation théâtrale. Gageons que leurs deux filles, Aline et Émilienne, entreront le moment venu dans la lumineuse filière.
Camille, avec le Théâtre Extrapol dont il est le cofondateur, a réalisé à ce jour trois spectacles dont l’un au moins, au surprenant titre allemand Guten Tag, il heisse Hans, a connu un vif succès dans toute la Romandie. À côté des cours qu’il dispense à Delémont, il prépare, dans la capitale, l’avènement des Jardins du Paradis qui feront bientôt les belles soirées d’été dont se régale, de millésime en millésime, un vaste public jurassien.

Création collective

Quand il aborde la scène avec son équipe, Camille Rebetez ne sort pas de son cartable un texte prêt à l’emploi et qui aurait un air définitif. De sa formation sur le continent américain, il a adopté cette attitude consistant à se soustraire au préalable d’une pièce toute écrite à la virgule. Le voilà dès lors abordant un espace scénique avec une idée qu’il soumet au travail critique de son groupe, qui lui donnera peu à peu son ton et sa forme. «Je ne suis pas textocentriste » dit-il malicieusement. Ainsi, l’écriture de la pièce n’est que le compte rendu d’un obstiné « travail au corps» assumé en amont avec tout le matériau charrié par le groupe. Et il a beau affirmer, notre auteur, (par bravade?) à ses pairs: «Le monde se moque du théâtre et, quoi qu’en on dise, le monde continuera de tourner de travers…»
Pratiquer un art dramatique avec la passion et la constance qu’on lui reconnaît installe ce Rebetez à l’avant-scène où il s’exprime. Il fait entendre un langage que les hommes depuis la plus haute Antiquité n’ont pas cessé d’écouter avec avidité. Le théâtre est bien celui qui s’élabore en un lieu et un temps donnés, ceux où décidément l’on «brûle les planches».

ALEXANDRE VOISARD, Jura pluriel


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