SYLVIANE CHATELAIN

DANS UN INSTANT

nouvelles
2010. 200 pages. Prix CHF 34.–
ISBN 978-2-88241-264-5


Biographie

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Un extrait:
J’étais à côté de l’interrupteur. J’ai hésité, renoncé, je ne sais pourquoi, à allumer, d’ailleurs le couloir était faiblement, mais suffisamment éclairé par la lune ou les lumières de la fête.
Et d’abord j’ai pensé que c’était un drap jeté là par une femme de chambre occupée à changer un lit, à une heure pourtant inhabituelle, et puis, au fur et à mesure que j’avançais, effrayé, que c’était un corps évanoui ou sans vie, le corps de la mariée, mais ce n’était que sa robe, la robe blanche des noces, étalée de biais dans l’étroit couloir, le bouquet enlacé par une manche à demi repliée, en bas les souliers couchés l’un à côté de l’autre, en haut le voile soigneusement déployé. Une robe ample, au tissu somptueux, le corsage, je m’en souviens, entièrement recouvert de fines et sinueuses broderies nacrées sur lesquelles j’allais me pencher, attiré par la silencieuse lueur qui émanait d’elles, par leur doux éclat de perles, quand j’ai cru entendre un très léger bruit, un frôlement, le frottement peut-être, devant moi, de pieds nus sur l’épais tapis de laine.

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Sylviane Chatelain, la passion du fugace

Enquêtrice et dentellière du réel, l’auteure jurasienne donne avec «Dans un instant» des nouvelles de ses explorations
Sylviane Chatelain, Prix Schiller en 1991 pour ses nouvelles De l’autre côté (Bernard Campiche, 1990), rassemble ce printemps une série de textes parus dans divers supports durant la décennie écoulée. L’occasion de redécouvrir de cette femme de plume née à Saint-Imier en 1950 et qui mène un patient et élégant travail d’écriture.
Il y a quelque chose de la broderie, de la dentelle dans la minutie avec laquelle Sylviane Chatelain détaille le réel. Elle aime les entrelacs compliqués qui dévoilent ou évident; elle aime rendre soudain visibles les fils qui relient des histoires qui semblaient d’abord distinctes; elle aime la belle ouvrage, mais ses toiles d’écriture restent en devenir, comme effilochées, sans bordures bien définies... C’est qu’il s’agit de ne pas trop fixer le contour des choses.
Sylviane Chatelain sait aussi se faire enquêtrice. Elle suit à la loupe les méandres qu’elle trace. Elle aime les mystères qui planent et ne les résout jamais tout à fait. Cette suspension fait le charme du «Livre» – étonnante séquence d’observation d’un livre ouvert, feuilleté par le vent, par un homme, séparé de l’objet par une frontière grillagée. La longue nouvelle intitulée «Exils», presque un petit roman, forme le cœur et le clou du recueil. Variation sur la vieillesse, la fuite, la mort, elle fait s’entrecroiser des thèmes comme la mort, la vieillesse, l’exil, la fuite, l’hôpital, les filiations, le tout sans jamais peser, en conservant leur part de pénombre à chaque personnage. Moins heureuses, les nouvelles plus clairement autobiographiques, où une mémoire nostalgique l’emporte sur l’imagination. L’ennui pointe parfois un peu.
Reste une inventivité réelle, un attachement presque passionné à la disparition, au fugace, une délicatesse qui permettent à Sylviane Chatelain de faire entendre sa voix particulière.

ÉLÉONORE SULSER. Le Temps

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L’Imérienne Sylviane Chatelain parvient toujours à surprendre ses lecteurs

Avec «Dans un instant», son dernier ouvrage, elle explore l’inconscient sous toutes ses coutures et fait exploser la réalité de la traquer.

En huit livres, Sylviane Chatelain a imposé son nom dans les lettres helvétiques. Désormais grande dame des mots, reconnue, admirée, respectée, elle a ses inconditionnels. Des auteurs traditionnels romands, elle a hérité une espèce de profonde nostalgie, un ton pathétique, une atmosphère sombre dont elle enrobe ses récits. On n’aborde pas sereinement l’écrivaine de Saint-Imier. On s’y plonge pour le délice de l’écriture, pour son classicisme épuré, mais elle dérange très vite, car ses pages finissent par perturber l’humeur du lecteur: «Et il se demande si, sa vie durant, il n’a pas marché entre deux hauts murs transparents, dans l’étroite prison où il s’est trouvé enfermé, dès sa naissance…» Derrière les phrases apparemment simples, Chatelain jongle avec la mort, la fin des choses, avec l’inconscient qu’elle torture savamment, pour en tirer des vérités universelles, de celles que l’on n’a pas forcément envie de voir glissées noir sur blanc, sous nos yeux, durant un moment de détente livresque. Mais c’est alors, justement, qu’elle quitte le plancher des vaches à croix blanche pour s’en aller rejoindre des plumes au lyrisme plus décalé, tel Italo Calvino et son univers fantastique. Dans cet ultime recueil, elle frôle par moments des atmosphères chères à Paul Auster à l’époque du Voyage d’Anna Blum.

Observatrice et sauvageonne

Vivant dans la vallée austère qui l’a vu naître, Sylviane Chatelain s’en est pourtant échappée, pour ses études d’abord, par amour ensuite. Les hasards de la vie – et du mariage – l’ont ramenée, tel Ulysse, au point de départ. Son parcours est peu banal: elle a fait les beaux-arts, enseigné le latin, élevé quatre enfants, assumé des responsabilités culturelles au niveau du canton de Berne, et elle adore le jardinage… et ses chats. Éternellement sauvageonne, elle fuit les rencontres VIP, qu’ils soient lettreux ou non. Son univers se cantonne de plus en plus à l’écriture, dans un lieu minuscule, son bureau sous les toits de la maison familiale.
Sylviane Chatelain est une poétesse qui s’ignore, une auteure qui flirte avec l’envers de la réalité. Dans les arrière-cours de la banalité, elle pique ici et là des souvenirs, qu’elle assaisonne à sa sauce. Dans ce recueil qui vient de sortir de presse, elle évoque avec autant de tendresse une voiture qui a marqué son enfance que l’horloge de son grand-père, laquelle, après avoir peut-être sonné la mort du vieil homme, n’a pas repris sa course aux minutes et aux heures. Ou alors elle se lance dans un curieux récit, construit comme un lego, de pièces disparates, voir «Exils», qui finit par trouver une unité, à travers un cheminement tordu. Que dire de «La Mariée», autre nouvelle, dans laquelle un mariage très chic, reste… sur sa faim, dans un bel hôtel abandonné de l’amoureuse. Chatelain parle-t-elle de géranium rose, que c’est une aventure rocambolesque qui se met en place. De même quand elle définit son «Bestiaire» à elle. Et puis, dans «L’Autre ville», elle flirte avec la science-fiction, soudain proche de Paul Auster.
La plupart de ces nouvelles ont précédemment paru dans des revues, des journaux. Réunies dans un ouvrage, elles permettent de faire apprécier cette écriture fine, profonde, qui transforme un fait-divers en allégorie surréaliste.

BERNADETTE RICHARD. Le Quotidien jurassien

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Elle  habite rue  du  Soleil

Écrivaine un peu sauvage, Sylviane Chatelain vit à Saint-Imier. Et semble parfaitement intégrée à la géographie de ce Jura sévère qui révèle d’autant mieux une plume d’une finesse extrême.

Dans son nid d’aigle – petit, le nid d’aigle, juste la place d’un bureau avec sa chaise, une plante et une corbeille pour les chats – Sylviane Chatelain concocte des histoires de plus en plus délirantes, les yeux perdus sur la montagne. Chasseral, paysage austère qui inspire peut-être les pages de la grande dame de la littérature romande qu’elle est devenue: «Je me plais beaucoup ici, en été il fait très chaud, j’aime ça.»
Au-dessus de la table, un vélux inonde les pages noircies par la très grande écriture, les dictionnaires et le siamois qui s’en vient languir sous la main de cette maîtresse presque silencieuse.
Au minuscule quatrième étage de la maison, c’est sûr, le rock’n’ roll au rythme d’une hypothétique musique endiablée n’est pas au programme.
Après l’école à Saint-Imier, la jeune Sylviane entre aux beaux-arts à Genève. «Je me suis trompée en choisissant les arts décoratifs. Ce n’était pas ce que je voulais.»
Une erreur d’aiguillage qui lui permet néanmoins de gagner sa vie durant quelques mois. Le graphisme n’étant pas sa tasse de thé, réaffirme-t-elle en préparant un petit café, elle entame une formation au gymnase du soir à Lausanne et passe un bac littéraire, puis rejoint son amoureux en études à Neuchâtel. Elle l’avait connu à l’école secondaire, ils ont fini par se marier. Il est encore son compagnon de route: «Il m’encourage à écrire, j’ai de la chance.»
Sylviane Chatelain n’est pas réellement bavarde quand il s’agit d’elle-même. Par contre, elle s’étale volontiers sur le sapin planté au jardin, «qui a tellement grandi en quinze ans», et raconte qu’il est nécessaire de couper les noisetiers devant la maison, sinon ils absorbent pour eux seuls tous les rayons du soleil. Le jardin est sa passion… Certes, l’écriture également. Et puis la vie: «Mon frère était plus âgé que moi, je l’ai regretté. Quand j’ai eu le premier enfant, j’ai décidé d’avoir tout de suite une tribu, je suis du genre mère épanouie.»
Les aléas du travail de son mari les bousculent. Après Neuchâtel, Genève «c’était l’enfer pour les enfants». Rochefort ensuite.
En 1984, elle gagne un premier prix de littérature, et en 1986, publie un recueil de nouvelles. Dès lors, les livres se suivent, sans hâte: «C’est tellement angoissant, la publication d’un livre, d’ailleurs, je m’angoisse pour tout», alors que la presse l’encense et que les prix littéraires pleuvent.
Mais de ça, elle ne dit mot, préférant montrer la rocaille, où bientôt les pivoines vont éclore. Et même si elle passe son temps à se dérober – elle déteste les interviews –, elle estime qu’elle se dévoile dans ses écrits. «C’est ma manière de communiquer.» Mais une marmaille, des livres, le ménage et le jardin, c’est peu pour une femme!
Après le retour à Saint-Imier, où le mari a trouvé en 1986 un job qui lui convient, et toute la smala une maison chaleureuse, au pied de la montagne, la voilà qui reprend des études et passe à l’université un certificat de latin: «J’ai moins de peine avec les langues mortes qu’avec les langues vivantes», avoue-t-elle.
Quatre petits qui grandissent, il faut assumer. Elle mettra la main à la pâte en enseignant le latin durant quelques années. Passionnée de polars nordiques, réjouie à l’idée d’être bientôt grand-mère, Sylviane Chatelain hante la maison et le jardin de la rue du Soleil en laissant mûrir ce qui deviendra un jour un prochain livre: «Je ne peux pas ne pas écrire»…


Son dernier livre
Belles nouvelles

Dans un instant, huitième ouvrage de fiction de Sylviane Chatelain, comporte dix nouvelles, dont plusieurs publiées dans divers médias. Fidèle à son écriture poétique, Chatelain fait preuve d’un incroyable talent pour transformer un détail en conte féerique. Raconter ses nouvelles tiendrait d’une ridicule présomption, car l’auteure décortique des situations, des lieux, des objets, elle capte une attitude, suppose des faits, des couleurs, réinvente un univers fantastique à partir de souvenirs… Sous sa plume, les mots s’agencent de telle manière qu’aujourd’hui, elle s’approche de rêves littéraires à la Calvino.

Madame Chatelain Elle est aussi…

Bien que très éloignée du monde des VIP, auquel elle préfère l’atmosphère paisible de son environnement, Sylviane Chatelain a néanmoins quitté sa tour d’ivoire pour assumer des responsabilités culturelles, telles être membre, puis présidente de la Commission de littérature de langue française du canton de Berne. Elle a fait partie de la Commission francophone chargée des affaires culturelles générales. Elle a aussi représenté l’exécutif bernois au sein du Conseil de Direction de la Fondation Ramuz.

BERNADETTE RICHARD. Coopération

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Remarques des participants au prix littéraire Roman des Romands

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Des géraniums et des hommes


Dans un instant regroupe dix nouvelles de l’auteur suisse Sylviane Chatelain. Pour la plupart, ces récits ont été publiés séparément dans diverses revues ou sur différents sites Internet. Ce dernier-né de l'auteur est donc un recueil: si on y décèle partout la plume caractéristique de Chatelain, qui assure une grande cohérence à l’œuvre, le lecteur ne se sentira pas forcé, en revanche, d’effectuer sa lecture d’une seule traite. Une tâche qui de toute manière s’avérerait ardue: les longues phrases surponctuées ne laissent pas à la pensée le temps de reprendre son souffle. Les nouvelles se prêtent davantage à être «picorées» qu’englouties par le lecteur, s’il ne veut pas se voir submergé par les images, écrasé par le poids de formules interminables. Pas plus que l’amour de l’auteur pour les phrases proustiennes, ses intrigues n’incitent à une lecture continue: Sylviane Chatelain affectionne les récits imbriqués et décousus, les tranches de vie, qui, telles les pièces d’un puzzle, doivent être réorganisées pour assurer la compréhension de l’œuvre. La lecture s’annonce exigeante.
«Les Géraniums roses» donne le ton: plus que d’un simple vol de géraniums, la nouvelle (et il en sera ainsi pour la plupart du recueil) traite de la perte et de l’absence, car «on dit que le temps efface les peines, ce n’est pas vrai, il nous apprend seulement l’art d’une navigation prudente» (p. 14). Heureusement, cette absence violente, ressentie dans la majorité des nouvelles, est parfois contrebalancée par des retrouvailles, émotions solaires illuminant d’un seul coup tout le récit. Il en sera ainsi pour «Exils» qui évoque des rencontres simples, mais non moins formidables, comme elles savent l’être quelquefois. Mais la joie retombera vite; même dans les ambiances confortables, Chatelain sait distiller quelque chose de trouble et d’évanescent, qui laisse comme un goût de malaise, parce qu’il colle à la réalité sans vraiment la décrire.
La description est au cœur de l’œuvre: le style, davantage descriptif que narratif, met de côté l’action pour se concentrer sur les ressentis, les émotions et la vision du monde de chacun de ces personnages. C’est au travers de leurs émotions que le lecteur comprendra les histoires de ces «ils» et «elles», héros anonymes qui meublent les nouvelles. Il saisira au final que l’action s’est muée en alibi de peu d’importance, dans cette myriade de représentations et de sensations. Si Rousseau sentit avant de penser, le lecteur de Chatelain ressent avant de comprendre.

AUDREY DOYEN. les-lettres-et-les arts.com/wp

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Dans un instant


La prose somptueuse de l’auteure jurassienne, née en 1950, sert à merveille ses nouvelles, souvent empreintes de mystère. Une étrange douceur enrobe les personnages dans leurs destins, entre résignation et désir de fuite. Tout comme dans son envoûtant roman précédent, Le Livre d’Aimée (2002), Sylviane Chatelain aime dessiner des situations à haute teneur métaphorique, en jouant savamment sur le registre du métadiscours. Dans un instant s’ouvre ainsi sur une nouvelle («Les Géraniums roses ») qui présente à la fois l’histoire bizarre du vol d’un pot de fleurs et la façon par laquelle cette aventure émerge et se développe dans l’imagination de l’auteure. Tantôt mémorielles («Mes deux côtés», «Une voiture de rêve»), tantôt troublantes et kafkaïennes («L’Autre ville»), ces nouvelles trouvent leur point d’orgue dans la sublime métaphore portée par «Le Livre»: les pages mouillées par la pluie d’un volume retrouvé tout près de barbelés par un homme désespéré rappellent douloureusement que la littérature n’est qu’une trêve parmi les horreurs de l’Histoire.

PIERRE LEPORI. Viceversa Littérature


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