DANIEL TSCHUMY

UN JOUR EN VILLE

Roman
2017. 184 pages. Prix: CHF 30.–
ISBN 978-2-88241-420-5


Biographie

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Manifestations, rencontres et signatures

Index des auteurs


La trame, somme toute, est classique. Un homme seul parcourt la ville, laissant ses pas l’entraîner en des lieux familiers: à mesure qu’il arpente telle avenue, qu’il revoit telle devanture de bistrot ou telle entrée d’immeuble, reviennent à lui les souvenirs de moments vécus à l’endroit même, de rencontres futiles ou marquantes, de fragments plus ou moins oubliés d’une existence confuse.
C’est dans une institution des hauts de Lausanne que débute Un jour en ville. Hors de la vue du narrateur, les aides-soignants ont levé Robin et l’ont installé dans son fauteuil électrique, «un transfert délicat qu’il préfère épargner à ses proches»: l’homme à qui le narrateur rend visite ce jour-là est gravement malade. Partant de cette chambre, le périple en ville de ce dernier durera une journée: il servira de prétexte à l’évocation du destin croisé des deux hommes.
À travers Lausanne, le narrateur voit le rythme lent de sa marche s’accorder au tempo des années qui ne sont plus: la chronologie de son amitié avec Robin s’étire des jours fougueux de la jeunesse jusqu’à une déchéance précoce, vécue dans l’impuissance par les deux hommes, chacun à sa manière. Au-delà des aléas et des transformations, alors que tout change et que tout passe, la ville parait comme un repère, réconfortante de sa relative immuabilité.
La fuite du temps et l’angoisse qu’elle génère sont au cœur du projet littéraire porté par Tschumy, comme dans cette scène poignante où le narrateur recherche, dans l’une de ses dernières demeures, les vestiges de son ami, ces deux poignées brillantes enfichées dans un mur et qu’il utilisait pour se hisser depuis sa chaise roulante; ultimes traces concrètes d’une existence condamnée. Assistant à l’avancée inéluctable du mal qui emportera Robin, le héros prend conscience qu’il est lui-même en sursis: à cinquante ans, la vieillesse n’est déjà plus cette hypothèse si lointaine et forcément inacceptable, elle se confond avec l’horizon. C’est certainement dans cette rencontre avec une mort toujours insinuée, dans cette posture de l’homme sommé par les événements de tirer un bilan de sa vie, que le récit gagne en profondeur métaphysique: qu’est-ce qui fait un Homme, interroge l’auteur?
Certes, Tschumy cède parfois à quelques facilités: fallait-il ainsi que Robin fût jadis un sportif confirmé? Était-il indispensable, afin de rendre le récit plus pathétique encore, de créer cet effet de contraste entre le corps athlétique d’hier et l’enveloppe malade d’aujourd’hui? Dans le même ordre d’idée, on pourrait regretter chez l’écrivain lausannois un certain penchant pour la surenchère, tant le récit est chargé en drames se télescopant les uns les autres jusqu’au vertige, notamment en seconde partie; or par effet de saturation, l’accumulation de ces situations douloureuses tend, à l’inverse de l’intention, à affaiblir la dimension tragique du roman. Peut-être conscient de ce travers, et comme pour en compenser les effets, Tschumy fait preuve d’une remarquable rigueur formelle au long de ses pages, s’interdisant tout épanchement syntaxique et toute pesanteur de la plume: le style est agréable et sobre, jusqu’à passer parfois, à tort sans doute, pour un brin paresseux.
«J’émerge du vallon et pénètre à nouveau dans le royaume, ses grottes, ses cavernes, ses sapins alourdis. Je reprends une cadence plus vive le long d’étroits passages transpercés par des flèches de lumière, et des traces précèdent les miennes soudain. Ce ne sont pas celles des habituels promeneurs de chiens rappelant à l’ordre leurs protégés. Ce sont les traces de Nadia menant son existence de main de maître jusqu’au 30 novembre 2008. Ce sont les traces de Robin au ravitaillement de l’hôtel Weisshorn, le dimanche 11 août 1991, direction Zinal où l’accueillera un record qu’il n’égalera plus.»
Premier roman à la tonalité résolument nostalgique, Un jour en ville touche juste dans sa manière d’évoquer la vie comme une succession de trajectoires peu contrôlables. Tschumy déconstruit avec talent cette véritable mécanique de l’absurde, suite d’événements vécus sans réelle emprise sur eux, sans même la volonté de leur donner un sens. Dans ce drame, le rôle joué par le décor est important: ici la ville n’est pas un simple paysage, elle agit comme génératrice d’émotions, interrogeant l’histoire personnelle des protagonistes et permettant de révéler l’intimité du narrateur. Est-ce toutefois l’effet de l’écriture en «je»? On regrettera une structure narrative sans surprises, et ce sentiment ressenti parfois de tenir entre les mains un «livre-thérapie», roman introspectif dont on ne sait pas bien s’il a été écrit d’abord pour la gloire de la littérature, ou pour le salut de l’auteur lui-même.

La Cinquième Saison,
No 3, 2018

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Amitié sacrée sur toile de fond lausannoise

Le premier roman de Daniel Tschumy Un jour en ville, paru en mars 2017 chez Bernard Campiche Éditeur relate de manière touchante la balade du narrateur sur les sentiers de ses propres souvenirs alors qu’il traverse la ville de Lausanne. Une belle ode à l’amitié, à l’amour et au courage, mais aussi à cette ville faisant face  au Léman que le narrateur chérit tant

Loïc, père de famille d’une cinquantaine d’années, dédie ce texte à son meilleur ami Robin, qui s’est retrouvé alité par la maladie. Retraçant leurs années de jeunesse et leur entrée dans l’âge adulte au travers d’une promenade à la fois mentale et physique, le narrateur raconte l’évolution de leur amitié et de leurs vies respectives, scellées par un destin peu clément. Le récit se déroule sur une journée, au cours de laquelle Loïc, empli de nostalgie, se balade dans les paysages de son passé, nous emmenant dans ses souvenirs de jeunesse dorée, puis dans ceux, plus douloureux, de sa vie d’adulte.
Suivant lui-même un parcours à travers la ville lui rappelant son meilleur ami, le narrateur offre une réflexion sur les relations humaines – qu’elles soient amoureuses, amicales ou anonymes. Il se penche aussi sur la notion de destin, regrettant amèrement les coups du sort injustes assénés aux protagonistes impuissants de son existence. Avec une sincérité touchante, il relate la difficulté de l’entrée dans l’âge adulte et fait l’éloge de la force de caractère nécessaire à surmonter les embûches que la vie place sur notre chemin. Cette force, son ami Robin en fait preuve durant des années, au même titre que Nadia, la femme du narrateur, victime elle aussi de graves problèmes de santé. Loin de se vanter, Loïc admet avoir également dû puiser dans ses ressources afin de soutenir son entourage, sans se laisser abattre par toutes ces «petites morts», comme il les appelle.
Tout au long du roman, Loïc fait référence à la course à pied et à son coureur favori, Sebastian Coe, qui l’a beaucoup inspiré. Commençant ce sport lui-même durant sa jeunesse avec Robin, il ne cesse de le pratiquer et en a besoin comme exutoire. Et si la course a été une passion commune aux deux meilleurs amis, créant des moments privilégiés entre eux, il se voit aujourd’hui continuer seul. Ce sport devient alors une métaphore du chemin de la vie, où il avance malgré les obstacles et la fatigue, comme pour faire honneur à celles et ceux qui ne sont plus en mesure de courir à ses côtés. La notion de mouvement est centrale dans la marche, dans la promenade ainsi que dans la course et symbolise le combat contre la maladie et les aptitudes physiques qui déclinent.
Le roman est rythmé par les déplacements du narrateur et pourtant, l’ancrage est très marqué malgré les échos lointains de ses voyages et tribulations lorsqu’il était jeune. Lausanne demeure un pied-à-terre, perçue comme un lieu accueillant et rassurant, malgré les les drames qui y surviennent. Avec son style d’écriture d’une simplicité poignante conférant au roman une certaine authenticité, Daniel Tschumy dresse un tableau lausannois d’une grande beauté, qui ne manquera pas d’émouvoir celles et ceux ayant grandi dans cette ville.

CHLOÉ BRECHBÜHL,
L'Agenda, août 2017

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Quand le temps trace son destin

Quels temps reviennent et résonnent, intenses et bouleversés, dans les pas de cet homme à l’entame de la cinquantaine, cet homme qui parle dans la marche d’Un jour en ville, le premier roman de Daniel Tschumy. Il avance dans ce jour et vers les lieux qui le révèlent, lui Loïc, et lui son ami Robin, elles Nadia et Florence, leurs femmes, la ronde de leurs filles… Ces lieux en repères. C’est là qu’ils venaient, qu’ils se retrouvaient, s’attardaient dans l’amitié des soirs. C’est par là qu’ils passaient dans leur course hebdomadaire. Lui, Robin, le coureur magnifique et tout à coup scalpé par une sclérose en plaques. Elle, Nadia, happée par «le grelot assassin d’un caillot au cerveau». Les temps et les destinées se croisent, s’interrogent dans cet itinéraire de ville et les épreuves traversées. Avec, transcendant le temps, ces figures admirées par les deux amis dès le gymnase, de deux athlètes d’alors, Sebastian Coe pour le narrateur, Steve Ovett pour Robin. Dans la promesse et la musique des phrases, résonne cette citation de Janine Massard: «Les mots sont des gouttes bienfaisantes sur la douleur du monde.»

JEAN-DOMINIQUE HUMBERT, Coopération, 2017

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 sa vie, le temps d’une promenade

Un homme, la cinquantaine, marche dans Lausanne et remonte le cours d’une existence marquée par les drames. «Un Jour en ville» est une ode à l’art de se relever

Un jour en ville démarre en douceur, presque comme si de rien. On ne peut imaginer, en commençant la lecture, que l’auteur va nous convier à bien plus qu’une simple promenade dans Lausanne, un dimanche d’automne. Que par la force des mots, le temps va se dilater, les époques se croiser et que cette simple et unique après-midi va en fait englober et remonter le cours d’une vie.
Pas d’effets de manches ou de roulements de tambour chez Daniel Tschumy, dont on avait apprécié le recueil de nouvelles Place du Nord et autres lieux en 2012. Mais cette façon de transmettre un rythme, proche de celui de la marche d’ailleurs, un tempo qui permet à la fois d’observer et de prendre du recul, de lire et de ressentir, et imperceptiblement, de mettre ses propres pas dans ceux du narrateur. Sous ses airs modestes, Un jour en ville tisse bien le roman d’une vie, des vies, faites d’accidents et de recommencements. Au terme de la promenade, commencée à la station Fourmi du métro M2, on se sent comme après une grande marche ou une course en forêt: les yeux plus ouverts, le cœur plus grand. Comme après un bon livre.

Une balade sans horaires

Le roman s’ouvre sur une visite à l’hôpital. Loïc, le narrateur, y a déjeuné au réfectoire avec Robin, son ami d’adolescence, dont les cheveux «ont beaucoup blanchi». Affaibli, parlant avec difficulté, Robin lui est apparu néanmoins serein. Ses filles, grandes, étaient là aussi, toutes à l’énergie de leurs commencements dans la vie. Loïc, en accord avec sa femme, ne rentre pas chez lui tout de suite après. Il est libre pour l’après-midi et se coule «dans la douceur de ce dimanche qui appelle à une balade sans horaires».
Tandis que défilent les rues, les bâtiments, le lac, tel un miroir au loin, Daniel Tschumy fait suivre au lecteur les pensées de son narrateur. À la carte de la ville, se superpose son itinéraire intime où l’amitié avec Robin tient une grande place. Robin a entraîné Loïc dans sa passion pour la course à pied. Tel un rituel, ils ont couru ensemble pendant vingt ans, à raison de deux fois par semaine, au départ de l’embouchure de la Venoge. Jusqu’au forfait de la maladie de Robin. Jeunes, ils devaient former un drôle de couple, se dit Loïc avec le recul: côté Robin, «une sorte de fauve à la force contenue flanqué d’une girafe un peu gauche», Loïc donc.

Duo de légende

À leurs foulées se superposent celles d’un duo de légende, celui formé par les coureurs anglais Sebastian Coe et Steve Ovett, dont la rivalité captivera les deux adolescents tout comme des millions de téléspectateurs. Défaites et exploits: Loïc et Robin suivent leurs héros à la télévision lors d’après-midi d’anthologie, pour les Jeux de Moscou en 1980, de Los Angeles en 1984. Chaque course est un combat, les deux coureurs donnent tout, endurent tout, jusqu’au bout: «Who says I am finished now?» hurle, rageur, à la presse, Sebastian Coe, vainqueur du 1500 mètres à Los Angeles, à rebours de tous les pronostics. «Qui dit que je suis fini maintenant?», la phrase marque les adolescents. Ils l’utiliseront maintes fois pour leurs victoires à eux, dans leurs vies d’adultes, bientôt meurtries par les drames.
Un Jour en ville est un roman-gigogne où les itinéraires (de promenades, de courses, de vies) se répondent. Bientôt, on comprend que ce rythme de la marche correspond aussi au flux des mots qui viennent à Loïc-Daniel Tschumy devant la page blanche. L’écriture trace des routes, relie les points d’une existence. Marcher, courir, écrire, soit une façon d’avancer, de se relever, malgré les défaites, malgré les drames.


LYSBETH KOUTCHOUMOFF,
Le Temps, 17 juin 2017

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Loïc s’est octroyé une journée en ville à revisiter son passé. Lausanne, «ville sucrée et parfumée de mai» Il y couve cependant des drames. Comme celui de son ami Robin à qui il vient de rendre visite dans son institution. L’athlète aux pieds d’argile est attaqué par une sclérose en plaques sournoise «Cela faisait dix ans qu’avec un cran sidérant son entourage, sa souffrance morale révélée au compte-gouttes, il affrontait l’érosion de son existence, une succession de renoncements semblables à autant de petites morts.»
En cette fin de septembre somptueux, chaque halte fait rejaillir les souvenirs. Son initiation à la course par Robin alors que son inclination allait plutôt au foot. Leurs années d’études, laborieuses pour l’ami que le doute rongeait insidieusement avant l’estocade de la maladie. Avec son mariage et la naissance de ses deux filles, Romain avait trouvé un sens à la vie avant qu’elle ne reprenne ce qu’elle lui avait laissé entrevoir comme promesses.
Loïc s’est marié tard. Nadia lui a donné deux filles. La vie est pleine, belle dans la maison à l’orée de la forêt. Jusqu’au jour où un AVC pétrifie la jeune femme.… La course, l’écriture, le sourire de ses filles permettent à Loïc de garder le cap.
«Un jour en ville» avec, en fond d’écran, les courses mythiques de deux géants, les Anglais Sebastian Coe et Steve Ovett, est le premier roman de l’enseignant lausannois. Auteur de prose et de poèmes, son ouvrage est sorti ce printemps aux éditions Bernard Campiche. Chez le même éditeur, il a publié des nouvelles en 2012 «Place du Nord et autres lieux».
«Un jour en ville» est un livre poignant. Il y a des fulgurances de lumière, de bonheur dans ses pages. L’auteur parle d’événements graves, sans pathos, avec une infinie délicatesse. La langue est fluide, sobre. Les phrases empreintes de poésie sont comme des pépites laissées sur le chemin du promeneur.


ÉLIANE JUNOD,
L’Omnibus, 5 9 juin 2017

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Les auteurs romands font éclore une foison de publications

Le Salon du Livre de Genève a aussi révélé une belle vitalités des auteurs romands

Parmi les nombreuses sorties de cette première partie de l’année 2017, nous avons retenu, certes un peu arbitrairement, trois titres. Mais d’autres comptes rendus suivront…

{…} «Un jour en ville»

Le premier roman de l’enseignant Daniel Tschumy augure bien de la suite de son œuvre. Un jour en ville est un livre grave, parfois bouleversant, et largement autobiographique. Au cours d’une pérégrination d’une journée à travers Lausanne – où l’auteur décrit avec précision quartiers, rues, places, parcs, cafés, mais qui constituent aussi un long flash-back – le narrateur, Loïc, évoque son ancienne et forte amitié de plusieurs décennies avec Robin. Une amitié qui a longtemps reposé sur une passion commune, la course à pied, en s’inspirant des espoirs de leurs idoles, les Britanniques Steve Owett et son concurrent Sebastien Coe. C’est la partie jubilatoire du livre, qui est aussi un éloge de ce sport d’endurance. Mais un double malheur va tout assombrir. Robin est gagné par étapes par la sclérose en plaques, un drame qui va en entraîner d’autres: le départ de son épouse, une autonomie de plus en plus limitée, jusqu’à la chaise roulante et l’hospitalisation dans un établissement médical spécialisé.
Cette histoire d’une belle fidélité dans l’amitié connaît un nouveau tournant lorsque la femme du narrateur, encore jeune mère de deux fillettes, est frappée par un accident vasculaire cérébral qui lui laisse de très graves séquelles, un drame familial que Daniel Tschumy avait déjà évoqué dans «Place du Nord et autres lieux». Nous suivons cette descente aux enfers de Nadia et du couple, suivie d’une longue et partielle réhabilitation. Finalement, Lo!ic décide: «et l’auteur use là d’un procédé littéraire qui n’est pas nouveau – d’écrire l’histoire de son ami …le livre que nous avons sous les yeux.

PIERRE JEANNERET, Gauchebdo, No 18, 5 mai 2017

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Ce jour-là, Loïc, le narrateur, la cinquantaine, fait une balade après qu'il a quitté son ami Robin, placé dans une institution. Il fait une échappée loin de sa famille et suit un itinéraire qui n'a rien d'improvisé, à travers Lausanne, «désencombrée».
Pour lui, ce dimanche de septembre est Un jour en ville, «un jour de pause, [sa] mémoire survolant le passé à sa guise pour ignorer certaines zones et zoomer au contraire sur d'autres, leurs détails approchés de tout près.»
Ce sont trente-cinq ans de sa vie qui remontent à la surface de sa mémoire: des lieux où il a habité, des lieux où a habité son ami Robin, des lieux qu'ils ont fréquenté ensemble, depuis qu'en 1978, ce dernier a initié Loïc à la course à pied...
Robin et Loïc étaient alors devenus fans de deux athlètes britanniques rivaux, qui leur ressemblaient, ou à qui ils cherchaient à ressembler. Robin était fan de Steve Ovett, «un talent brut comme lui»; Loïc, de Sebastian Coe, «un artiste, fluide, aérien».
Depuis cette époque, pendant près de vingt ans, les deux amis vont courir ensemble jusqu'à ce que Robin connaisse des problèmes de couple, puis de santé, alors que c'était lui le sportif infatigable, qui incitait Loïc à toujours se dépasser...
Dans sa vie personnelle, Loïc ne va pas non plus être épargné et sa balade dans certaines zones de la ville lui rappellera les vicissitudes qu'il a traversées lui aussi. La fin novembre 2008 étant d'ailleurs douloureuse pour les deux amis...
Peut-être que ce qui sauve Loïc, à cinquante ans passés, c'est de pouvoir encore courir, même s'il n'accomplit pas d'exploits. À la course qui aura rythmé son existence pendant des lustres, il ajoutera un autre rythme, à la fin, celui de l'écriture:
«Le bonheur de ces deux rythmes, l'un prenant le relais de l'autre lorsque je me trouve à bout de souffle, sur mon sentier ou sur ma page. Oui, chaque fois que possible, il faut écrire après la course et courir après l’écriture».
Le troisième rythme, celui de la lecture, procure du bonheur à son ami Robin... et au lecteur, qui, s'il connaît bien Lausanne, la revisite volontiers avec Daniel Tschumy: qu'il la connaisse ou non, ce roman l'incite vivement à la parcourir à son tour...

Blog
de
FRANCIS RICHARD

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Un extrait du livre

Assis face au bassin du parc de Milan et ses étincelles flottantes, je contemple les gerbes d’eau, dont le son clair se mêle aux cris des baigneurs. Les autres petites morts de Robin sont là, sur le seuil de ma mémoire, comme elles ont franchi le cap du nouveau siècle pour en souiller les premières années. J’en garde certaines images, des bribes de conversations reprises lorsque, inquiet, je me rendais chez lui, ou avec lui au Café des Arcades, au Buffet de la Gare ou au Milan.
— Que dit le neurologue?, lui demandais-je chaque fois, dérouté par l’absence d’un suivi médical énergique.
— Qu’on ne peut rien faire. Il m’écoute, me donne ses conseils, un prochain rendez-vous et basta.
Il haussait ses solides épaules, scrutait un instant l’animation de la rue à travers la fenêtre, et nous passions à autre chose.


Un dimanche de septembre, peu après midi, sur les hauts de Lausanne. Loïc, la cinquantaine, quitte l’institution où réside son ami Robin pour descendre en ville et revisiter le passé. Trente-cinq ans se sont écoulés depuis leurs premières échappées belles, aux abords d’une rivière. La vie, ensuite, a tracé pour eux d’étranges méandres, fait mine de donner, un peu, beaucoup, avant de trahir ces semblants de promesses. Lentement, insidieusement, puis brutalement. Loïc, pourtant, a eu de la chance, si l’on peut dire. Témoin de drames dans son entourage qui ne l’ont certes pas laissé indemne, mais debout, au moins, debout pour faire face et relier aujourd’hui les lieux de ses souvenirs. Le temps d’une longue promenade à honorer jusqu’au bout, là où il s’est promis d'aller, à son rythme, seul et sans entraves.


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