FRÉDÉRIC LAMOTH

L’ÉTÉ D’UNE FEMME

Roman
2024. 120 pages. Prix: CHF 26.50.
ISBN 978-2-88241-525-7


Biographie

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Le «soft patriarcat» des années 1980

Dans un roman rythmé par les paroles de chansons emblématiques, Frédéric Lamoth fait une délicate incursion dans cette époque

Frédéric Lamoth avait 5 ans en 1980. Sa perception vécue de cette décennie est forcément celle d’un enfant. Mais le romancier s’y entend pour explorer les biais de notre proche histoire. En 2021 (Le Chemin des limbes), il plongeait par exemple ses lecteurs dans le canton de Fribourg des années 1960 et de ce qui advenait en cas de naissance hors mariage.
Cette fois, il se glisse dans la peau de Clémence, une femme qui s’est mariée en 1975. C’est l’histoire assez conventionnelle d’une épouse et mère de deux enfants ayant abandonné son activité d’assistante médicale, sur l’injonction de son mari, pour une vie de très confortable souveraine de ménage dans une maison bourgeoise de Belmont-sur-Lausanne. Elle avait un peu plus de 20 ans en 1968, autrement dit faisait partie de la génération qui a envoyé valdinguer le modèle de famille traditionnelle et fait éclater le carcan des relations entre les hommes et les femmes.
Mais voilà, tout n’est pas allé si vite, les Vaudois ne sont pas des gens pressés. D’ailleurs, Frédéric Lamoth ne brosse pas le portrait d’un mari violent et dictatorial. Alain est au contraire pragmatique en diable. Il règne en douceur, sans éclats, en mari condescendant et raisonnable, ce qui ne l’empêche pas d’abuser sournoisement de son pouvoir. Mais Clémence s’étiole, un matin elle ne peut plus se lever et sombre dans une dépression qui la conduit chez le Dr K., un psychiatre en vogue.

Dénonciation d’un abuseur

Trente ans plus tard, alors que ce psychiatre va être honoré pour ses travaux sur l’hystérie, des rumeurs insinuent qu’il ne se serait pas contenté d’une mise à nu du subconscient de ses patientes. Clémence parle à une journaliste avide de révélations. Nous sommes en 2016, elle parle avec recul des années 1980. Encore la dénonciation d’un abuseur? Non, Frédéric Lamoth traque le désarroi d’une femme prise dans les rets d’une sorte de «soft patriarcat». Le ton n’est pas à la dénonciation, l’auteur cerne la réalité de Clémence avec délicatesse, tout en nuances. Elle n’a pas à se libérer seulement de sa dépendance à un mari tout-puissant, mais encore d’un certain quant-à-soi social qui la fait regarder de haut les petites gens. Elle a fait un pas, avant de reculer, avec Lucie, une femme menant une lutte de survie économique fort éloignée des réalités de Clémence.

JEAN.BERNARD VUILLLIEME,
Le Temps

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L’été lausannois d’une femme pas si libérée des années 1980

Le Vaudois Frédéric Lamoth ausculte la société patriarcale des années 1980 dans L’Eté d’une femme, sur fond de tubes FM

«Tu avais tout pour être heureuse», lance son mari à Clémence, l’héroïne de L’Eté d’une femme, du Vaudois Frédéric Lamoth. Clémence vit dans une belle maison à Belmont-sur-Lausanne, où elle s’occupe de ses deux enfants. Celui qu’elle a choisi pour époux parce qu’il était «le plus assidu, le plus crédible» de ses prétendants, pourvoit à leur confortable vie. Un jour pourtant, elle n’arrive plus à se lever. Son généraliste diagnostique une «grosse fatigue», puis, lorsqu’elle remplit l’album de photos familial avec des cartes à jouer, il l’envoie chez le docteur K., réputé psychiatre de la rue du Grand-Pont à Lausanne.
Après avoir évoqué la Riviera en temps de guerre, puis le destin d’enfants nés hors mariage en terres fribourgeoises dans les années 1960, le Vaudois Frédéric Lamoth sonde la société des années 80 à travers la dépression d’une mère.
Il raconte un été «comme dans de la ouate», entre un psy qui la décrète «hystérique» et des échappées hors du corset des conventions bourgeoises. Mais lorsque Clémence sympathise avec la mère d’un ami de son fils, femme divorcée de condition modeste qu’elle juge d’abord «vulgaire», elle n’ose pas l’avouer à son mari.

«La vie par procuration»

Trente plus tard, elle revient sur cet épisode face à une jeune journaliste enquêtant sur un docteur K désormais retraité, qui, durant sa vie professionnelle, «ne se serait pas contenté d’une mise à nu du subconscient de ses patientes». Clémence a-t-elle été une victime du praticien? Sinon, pourquoi vouloir se raconter? On ne le saura évidemment qu’à la fin du livre.
L’histoire avance dans deux temporalités, en 2016 et surtout dans les années 1980, où les souvenirs de la narratrice remontent avec leur fond sonore: La Vie par procuration de Jean-Jacques Goldman, Femme libérée de Cookie Dingler ou Si j’étais un homme de Diane Tell. Autant de paroles qui trouvent un écho chez cette femme qui n’a pas de voix propre. Trente ans plus tard, l’a-t-elle trouvée?
Ce court roman n’est pas l’autopsie fracassante d’un abus ou d’une emprise d’après la libération de la parole. Il se place avant, s’attachant davantage à restituer avec finesse et sobriété le contexte patriarcal d’une époque, à travers l’exemple de cette femme qui s’est sentie dépossédée d’une vie où tout, ou presque, avait été décidé pour elle.

CAROLINE RIEDER, 24 Heures et La Tribune de Genève

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Portrait d'une femme au temps où la dépression nerveuse était un tabou

Le temps passant, l'exercice n'a rien d'0évident: replonger, en tant qu'écrivain, dans l'existence d'une femme qui, dans les années 1980, a pratiqué un psychiatre réputé mais non exempt de zones d'ombre. Et pourquoi pas se glisser dans sa peau? C'est là la teneur du dernier roman de Frédéric Lamoth, L'Été d'une femme. Tout commence par un article de journal suspicieux, écrit par une certaine Solène M., auquel répond celle qui sera la narratrice du roman: la patiente.
L'auteur explore avant tout la manière dont ces deux femmes vont s'approcher, s'apprivoiser, se faire confiance. C'est aussi un choc des générations, marqué dès les premières pages par l'opposition entre deux conceptions de la nudité féminine: alors que la narratrice a trouvé normal, en traitement, de se déshabiller face au psy, la journaliste s'offusque. La nudité est-elle forcément sexuée? Pas pour la patiente qui se souvient. Mais d'un autre côté, affirme une journaliste promptement révoltée, prompte aussi peut-être à voir ce qu'elle veut bien voir, elle ne semble pas indispensable à un traitement des âmes... L'auteur laisse ces deux visions face à face, sans juger, les laissant également légitimes.
Quant à la narratrice, vieille dame au moment du récit (nous sommes en 2016), elle apparaît comme une mère de famille comme il y en a eu beaucoup en Suisse dans les années 1980, tenant son ménage, baladant les enfants au gré des obligations, tenant sa place comme son mari tient la sienne, forte d'un salaire bien suffisant pour deux, et même plus. Mais la narratrice y trouve-t-elle vraiment son compte, au-delà de la disparition de la pression liée au fait de gagner sa vie et de préserver son emploi? Et l'amour dans tout ça? Le fait est qu'un jour, elle n'a plus réussi à se lever. L'auteur recrée avec justesse la difficulté qu'il y avait à l'époque à diagnostiquer ce qu'on appelle aujourd'hui le burn-out ou la dépression nerveuse.
L'adresse de l'auteur réside dans la manière d'utiliser le psy controversé comme un McGuffin: jusqu'au bout, le lecteur, faussement flatté dans ses instincts voyeurs, va croire que la narratrice a été victime d'un abus terrible, d'un viol, que sais-je. Mais voilà: la vérité de ce roman est ailleurs, et elle est plus profonde. La narratrice – et le lecteur avec elle – finit ainsi par comprendre, au fil des rendez-vous auprès du médecin, que c'est surtout l'indifférence face à un sort mal compris, à un vécu qui tourne à vide et dans lequel elle ne trouve plus son compte mais que la société n'est alors pas prête à entendre, qui la meurtrit. Victime d'une emprise? Oui, mais pas celle qu'on croit.
Ces impressions, l'auteur les souligne en mettant à l'honneur, au gré d'exergues, les chansons à la mode dans les années 1980. Des titres comme La Vie par procuration, Désenchantée ou Papa Chanteur prennent dès lors une résonance originale au fil des pages de L'Été d'une femme, un roman social court mais dense, qui explore avec justesse ce qui a pu se tramer derrière les façades belles et anonymes d'une Suisse apparemment heureuse. La narratrice, une nouvelle Madame Bovary broyée par son temps? Il est permis de le penser.

Blog
de DANIEL FATTORE

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Une femme, Clémence, se penche sur son passé et, plus particulièrement, sur l'été 1988.
Clémence s'est mariée avec Alain en 1975, à vingt-neuf ans. Ils ont eu deux enfants, d'abord Nathalie, puis, deux ans plus tard, Damien.
Quand Alain, qui travaille dans l'industrie pharmaceutique, est promu, il annonce à Clémence pendant le dessert d'un repas pris à Évian pour fêter ça, qu'il est désormais inutile qu'elle travaille.
Clémence donne donc sa démission de son emploi d'assistante médicale - qui lui a permis de faire la connaissance d'Alain - pour se consacrer à son mari et à ses enfants.
Seulement, au début de l'été 1988, elle a un gros coup de fatigue, un burn-out, comme on dirait de nos jours:
«Tout a commencé le jour où je n'ai pas pu me lever. Un samedi. Pas d'école, pas de réveil qui sonne. Un jour qui pointe le bout de son nez, sans prétention, sans exigence.»
Aussi son médecin de famille, le Docteur Morier, auprès duquel Alain l'a accompagnée, lui a-t-il recommandé de voir un psychiatre, le Docteur K.. Pendant cet été-là, tous les mardis, Clémence se rend au cabinet de ce spécialiste.
Quand Clémence lit l'article de Solène M. sur le Docteur K., publié dans L'Écho du Samedi le 16 mai 2016, elle décide de se confier à la journaliste, mais pas seulement pour lui parler du Docteur K..
L'été d'une femme est le récit de cette «rencontre» qui lui a permis de vider son sac en racontant sa vie et ce qu'elle sait du Docteur K., qui va bientôt être honoré pour «l’ensemble de ses travaux sur l’hystérie» par un consortium international de psychiatrie.
En fond sonore, Frédéric Lamoth cite des extraits de chansons, sorties pendant les années 1980 et emblématiques de cette époque révolue, chansons que Clémence écoute à la radio pendant cet été où sa vie va basculer.
Le lecteur pourrait s'attendre à ce que Clémence fasse des révélations sur le Docteur K., qui d'après certaines rumeurs, «ne se serait pas contenté d'une mise à nu du subconscient de ses patientes,» comme l'écrit Solène M. dans son article.
Le lecteur pourrait en effet l'imaginer parce que, la première fois, le Docteur K. a demandé à Clémence de se déshabiller, mais elle précise qu'il l'a examinée, comme un médecin:
«J’étais un corps censé exprimer les symptômes d'une maladie.»
Clémence n'a pas répondu lorsque Solène lui a demandé s'il s'était limité à l'examiner, un appel sur le portable de celle-ci ne lui en ayant, opportunément, pas donné la possibilité.
En dehors des relations avec son mari et ses enfants, qui ne sont pas toujours amènes, Clémence en noue, pendant cette saison-là, avec Lucie, la mère d'un copain de Damien qui habite Lutry et chez qui elle l'a conduit.
Tout oppose Clémence à Lucie. Clémence ne vit pas dans le besoin. Lucie tire le diable par la queue. Clémence habite une villa à Belmont, Lucie un rez-de-chaussée dans un vieil immeuble à Lutry.
Clémence ne travaille plus et a une employée de maison, Lucie ne travaille plus dans un salon de coiffure, mais débarrasse les «objets des morts» et a ouvert une boutique de brocante.
Clémence et Lucie sympathisent. D'être occupée par les tâches que Lucie confient à Clémence, fait oublier sa fatigue à cette dernière et lui procure des instants de bonheur:
«J’ai accepté, pas pour l'argent, mais parce que je me sentais bien ici».
C'était certainement trop beau pour durer. Il faut croire que des êtres ne sont pas voués au bonheur indéfiniment, a fortiori si, un jour, on restreint violemment leur liberté.
Et le récit se termine par cette citation d'une chanson de Mylène Farmer, Désenchantée (1991), qui en résume assez bien le propos:
«Si je dois tomber de haut, que ma chute soit lente
Je n'ai trouvé de repos que dans l’indifférence»

Blog de FRANCIS RICHARD

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Les années 1980… Qui nous insufflent encore un peu de leur nostalgie. Ce sont d’abord des voix à la radio, les tubes de l’été, dont les paroles légères engourdissent les esprits. Une femme s’en souvient, trente ans plus tard. Elle se rappelle ce matin-là, où elle ne trouvait pas la force de se lever. Dépression? Hystérie? Son psychiatre a-t-il abusé d’elle? C’est ce qu’aimerait savoir la journaliste à qui elle se confie. Mais l’intrigue est complexe. On avance à tâtons dans cette dérive, celle d’une mère de famille aisée, qui bouleverse l’ordre établi, s’écarte de la voie tracée d’une vie «heureuse» et sans soucis qu’on lui impose, pour oser rêver à autre chose. Elle atteint les confins de sa sensualité refoulée, les limites de son apparente liberté. Mais peu à peu le carcan se referme, la pression d’une société régie par les hommes voudrait dicter sa raison.
Ce récit, sous forme d’un dialogue entre deux femmes qu’une génération sépare, jette un regard critique sur une époque qui se voulait libre, émancipée, sans parvenir à s’affranchir de ses anciens principes et préjugés


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