DANIEL ABIMI

LE CADEAU DE NOËL

Roman
2012. 368 pages. Prix: CHF 35.–
ISBN 978-2-88241-313-0

Cet ouvrage est disponible en édition numérique, au prix de CHF 24.00,
auprès de notre diffuseur suisse, l'OLF. ISBN 978-2-88241-340-6




Biographie

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Daniel Abimi: Le Cadeau de Noël. Les filles du boulevard Sévelin

Le Cadeau de Noël s’inscrit dans la continuité du premier roman de Daniel Abimi, Le Dernier Échangeur. Certaines intrigues du premier roman trouveront leurs dénouements dans ce dernier opus, nécessitant donc une lecture dans l’ordre de parution de ces deux polars ayant pour cadre la ville de Lausanne. Si l’on trouve un certain enchaînement au niveau de la trame narrative, c’est dans l’atmosphère et le style que l’auteur a changé d’orientation en se plongeant résolument dans l’âme noire du polar pour délaisser les aspects saugrenus que l’on décelait parfois dans son premier roman.
Une employée d’une station service est abattue d’une balle dans la tête sur son lieu de travail, dans les hauteurs de Lausanne. Pour l’inspecteur Mariani, il n’y a pas de doute, il s’agit d’une exécution. Il ne reste qu’à en découvrir le mobile ce qui va s’avérer extrêmement ardu, d’autant plus que la jeune fille démunie de papier travaillait sans autorisation au profit d’un patron peu scrupuleux.  Avec l’aide de son camarade, le journaliste Michel Rod, en disponibilité suite à ses problèmes de boisson, l’enquête va s’orienter dans le milieu nébuleux de la prostitution lausannoise. Une activité en plein essor car durant la période désenchantée des fêtes de fin d’année, tout le monde a besoin d’un peu d’affection.
Un meurtre, un drame familial tragique, une prise d'otage et un Père Noël bourré, c’est dans ce contexte que l’on va découvrir ce processus d’éloignement d’un policier qui peine à retrouver ses marques, même au sein de sa famille qu’il perçoit désormais comme une espèce d’entité étrangère. C’est en cela que l’on appréciera le personnage de l’inspecteur Mariani qui prend le pas sur Michel Rod qui aura un rôle plus secondaire dans ce récit. L’alcoolisme, la dépression, les deux personnages se renvoient leurs détresses respectives au gré d’une histoire sordide que les festivités de Noël ne fait qu’accentuer.
Dans ce récit brillant, vous allez également découvrir toutes les strates de la prostitution qui passe par les escorts-girls officiant dans les vénérables palaces de la ville sous l’œil bienveillant du personnel, les salons tenus par d’aimables managers ou tenanciers que l’on ne saurait qualifier de maquereaux pour finir dans les rues froides du boulevard Sévelin et de la rue de Genève où les prostituées sans papier s’exhibent pour le plus grand bonheur des milliers de conducteurs qui tournent toute la nuit dans le quartier. Et en toile de fond il y a toujours le charme discret d’une bourgeoisie dévoyée que l’auteur décrit avec un sarcasme qui frise la perfection.
Des nuées de prostituées, un immeuble presque exclusivement dévolu au commerce du sexe, c’est dans ce contexte réaliste d’un quartier de la ville de Lausanne que l’auteur a planté son récit en l’humanisant par le biais de quelques personnages attachants comme cet ex-banquier reconverti dans la vente de poulets grillés ainsi que la plantureuse Bianca, travestie lumineuse arpentant le bitume froid de la ville. Mais finalement, c’est peut-être la tante de Michel Rod qui séduira le lecteur, car la vénérable bourgeoise, au crépuscule de sa vie, promène son regard affuté et sans illusion sur cette famille qui l’entoure d’une affection de circonstance en cette période festive. Finalement l’intrigue du récit n’a que très peu d’importance et ne sert qu’à transporter le lecteur dans les différentes couches sociales d’une ville qui s’enveloppe d’un spleen provincial si caractéristique des agglomérations helvétiques.
Avec ce deuxième roman, Daniel Abimi entre dans la petite liste de ces auteurs romands qui ont la bonne idée de nous raconter une histoire qui reflète les aspects peu reluisant d’une société dont on ne soupçonne pas toujours les travers. Des auteurs comme Daniel Abimi sont bien trop rares pour être passé sous silence. Il vous faut les découvrir sans tarder!

CÉDRIC SEGAPELLI, Tribune de Genève, blog

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Dans un style parfaitement intégré au sujet, l’auteur nous fait visiter Lausanne avec des descriptions d’une précision absolue sans jamais oublier le petit détail qui démolit.
Il s’agit bien d’un polar.
L’inspecteur Mariani se débat entre ses enquêtes, l’ingérence de ses supérieurs, une insupportable famille et une migraine qu’il soigne à dose massive de comprimés. Son ami Rod, journaliste en chômage, navigue entre différents niveaux d’alcool, ce qui ne l’empêche pas d’être curieux et efficace.
C’est l’hiver, la neige et la glace ajoutent à l’ambiance désespérante de la ville. L’auteur jette un regard sans indulgence et sans illusions sur les travers peu ragoûtants de la société lausannoise, haute ou basse, que ce soit le commerce du sexe, le chantage ou le crime.
C’est triste, noir mais une sorte de retenue de l’auteur donne toute leur valeur aux remarques d’une réjouissante cruauté qui émaillent les événements. C’est écrit avec une sorte de simplicité qui colle à l’action et qui soutient l’intérêt tout au long des pages. Mais quand vous l’aurez lu, vous ne verrez peut-être plus Lausanne du même œil.

JULIETTE DAVID
, Suisse Magazine

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Facétieux et réaliste, Daniel Abimi brosse le portrait du Lausanne côté cour

Il est comme ça Daniel Abimi, il aime bien les stations-essence, le lieu de départ iconoclaste et imprévisible de son dernier roman Le Cadeau de Noël. Une station-essence dans les hauts de Lausanne. «C’est un lieu que je trouve fascinant parce qu’il est géographiquement intéressant. Il est le symbole de cette urbanisation galopante que connaît la Suisse, et Lausanne en particulier. Vous savez cette zone grise où la ville hésite encore à empiéter sur la campagne», lance le romancier sur un ton facétieux. Non, ce n’est pas un urbaniste qui parle mais bien Daniel Abimi, auteur de polar. Un genre «pratique dans son utilisation, comme un souper canadien où chacun apporte ce qu’il lui fait plaisir.»

Enquête lausannoise

Cheveux coupés ras, yeux malicieux, visage émacié, Daniel Abimi réfléchi avant de parler. Mais, lorsqu’il a lancé ses formules  acérées, elles peuvent vous atteindre en plein coeur et vous laisser sur le carreau. Un peu comme ce qui arrive à Elena, l’héroïne tragique de son roman. Règlement de compte, sombre histoire de drogue et de prostitution (?), l’inspecteur Mariani, pitbull de la police criminelle lausannoise, hérite de l’enquête. Une enquête qui le mènera rapidement sur les traces de Svetlana  Meylan, née Chevtchenko, mère maquerelle de son état. Mais, au fait, Mariani, n’est-ce pas le flic du premier roman de Daniel Abimi Le Dernier Échangeur? Si, si, c’est bien lui. Sauf qu’il a mûri, qu’il se fait un peu moins parodique qu’à l’époque. Comme si Daniel Abimi avait voulu gommer le burlesque de son style au profit d’un réalisme patibulaire et violent. Mariani dans son enquête est épaulé par son ineffable alter ego, l’ami que toutes les polices de France et de Navarre rêveraient d’avoir: le journaliste, enquêteur-fêtard Michel Rod. L’homme de lettres, qui pratique la cuite comme un art de vivre dans cette Lausanne intramuros.  Cuite mise à part et en suspendant l’espace d’un instant la lecture de ce bon polar, vous vous apercevrez que c’est bien de cette Lausanne contemporaine dont nous parle le romancier vaudois. «Vous savez, qu’on le veuille ou non, Lausanne est une ville de passages, un noeud ferroviaire au milieu de l’Europe, alors je pense que les changements de société que connaît aujourd’hui cette cité sont parfaitement normaux, sauf que certains phénomènes sont comme non maîtrisés.»

La cadence du temps

Gorgée de café, long silence et puis: «c’est juste que nous avons assisté à une accélération du temps depuis deux décennies, c’est tout…» Re-long silence, re-long regard, re-ultime gorgée de café, comme si Daniel Abimi devait excuser ces changements inéluctables. Juste avant que la porte du bistrot ne claque. Tiens, mais n’est-ce pas Mariani qui vient de rentrer, c’est sûr la soirée n’est pas prêt d’être finie…

DANIEL BUJARD
, La Côte

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Une jeune fille est retrouvée assassinée à la dernière station-service avant l’échangeur autoroutier de la Blécherette. C’est quelques jours avant Noël, dans une Lausanne fouettée par la bise froide – du moins le lecteur l’imagine-t-elle ainsi. De toute manière, chez Daniel Abimi, le cadeau de Noël n’est guère festif. Pour son deuxième roman, l’auteur reprend son personnage de Michel Rod, un journaliste en roue libre qui tente d’échapper à la picole. Dans le même temps, il décrit l’investigation menée par l’inspecteur Mariani, un enquêteur appliqué mais troublé par ses migraines et ses sommeils lacérés, déconcerté par l’éloignement croissant d’avec sa femme et ses enfants. Entre le journaliste et l’inspecteur, ce dernier est le plus attachant des deux. Ancien journaliste – et naguère collègue de l’auteur de ces lignes –, Daniel Abimi investit le créneau du polar sans hésiter, et sans finasser. L’investigation va mener aux réseaux qui pourvoient les bordels lausannois en filles récoltées à l’Est, et conduire au singulier Noël d’une dynastie locale et à de sordides partouzes dans une maison en lisière de forêt, à Cheseaux. L’ouvrage souffre de quelques flottements dans la narration et les choix de point de vue, qui restent toutefois sans gravité. Car la manière dont l’auteur arpente la géographie humaine d’une Lausanne par nuit noire, ou au petit matin – ce qui n’est guère plus douillet – se révèle convaincante. Elle peut capter les lecteurs indigènes, comme les amateurs de polars d’ailleurs, qui ignoreraient les replis de la capitale vaudoise. À présent, Lausanne possède son chantre, sur le versant glauque.

NICOLAS DUFOUR
, Le Temps

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Daniel Abimi – Le Cadeau de Noël, excellent roman policier suisse romand

Après Le Dernier Échangeur, premier roman paru en 2009 de l’auteur helvético-albanais, j’en attendais avec intérêt une hypothétique suite.
La parution du Cadeau de Noël en octobre dernier est une excellente surprise. Bien que reprenant tous les thèmes classiques du roman policier plein de noirceur, l’auteur va bien plus loin, et nous dessert une galerie de personnages nettement plus complexes qu’on ne pourrait l’imaginer de prime abord. La plume est magnifique, et justifie totalement le fait que l’auteur soit publié chez un éditeur raffiné comme Campiche, qui usuellement ne produit guère de romans policiers. Le roman est noir, et nous fait visiter les coins les plus sombres du Tout-Lausanne interlope. L’humour – noir, bien sûr – est présent. L’humanité également. Avec une absence de jugement rare et appréciée, au vu des thèmes décrits (les mondes de la prostitution, du banditisme). Là où on aurait vite fait de tomber dans la caricature, là où on pourrait vite tomber dans le piège littéraire (piège pourtant fort convoité!) de descriptions plus ou moins pornographiques malsaines, l’auteur réussit la belle prouesse de décrire un certain milieu avec beaucoup de pudeur et d’intelligence.
À découvrir, même si on n’est pas un fana de romans policiers!

Blog de GRÉGOIRE MONNAT

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J'en parle un peu tard pour les cadeaux de Noël, mais toujours à l'heure pour les amateurs de polars et ceux qui aiment voir leur univers quotidien sous un autre point de vue.
Celui de Daniel Abimi dans Le Cadeau de Noël est résolument dirigé vers le sexe. Le sexe à Lausanne. Plus particulièrement le sexe vénal.
Les amateurs y retrouveront toutes les formes possibles, de la prostitution de rue aux établissements spécialisés, en passant par la partouse bourgeoise encadrée par des professionnelles.
Plongés dans ce milieu interlope, on retrouve les personnages du précédent livre d'Abimi, Le Dernier Échangeur. Michel Rod, un journaliste qui a de gros problèmes d'alcool et son ami flic, Serge Mariani.
Car il s'agit surtout d'un roman policier bien mené, qui commence par l'assassinat d'une jeune pompisete, abattue dans une station d'essence.
Sang, sexe, alcool... Secouez le tout, ajoutez quelques boules de Noël et le cocktail fait son effet.

Blog d’
ALAIN BAGNOUD

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Coup de Cœur

Lausanne l'hiver, côté prostituées, flics et hommes de main. Une vision sordide de la capitale vaudoise, où les enquêteurs sont de braves types un peu paumés, les tueurs des violents sans rémission et tous les hommes des obsédés sans une once de tendresse. Belle humanité, dont les femmes sont exploitées et les mecs soumis à leur libido. Ce roman policier ressemble à ces photographies modernes qui ne cachent rien de la laideur des faubourgs, où le sang est du sang, où l’on viole sans état d'âme. Et pourtant, de tous ces miasmes surgit un espoir de rédemption, venu de nulle part et allant Dieu sait où. C'est la magie de ce livre, une manière noire qui dessine ce qu'on ne peut voir, la lumière au fond des ténèbres. Et qui est tout sauf un roman à clé: seuls les lieux sont reconnaissables, alors que les personnages défient toute ressemblance avec des personnalités connues. Mais les situations sont peut-être vraies, allez savoir… Lire ces pages, c'est se plonger dans une réalité que nous côtoyons sans la voir, c'est prendre conscience que, tout près de nous, des vies plongent et basculent. Un conte de Noël en somme.

JEAN-MARC BOERLIN, Librairie Payot Neuchâtel, site internet de Payot-Libraire

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Dans Cadeau de Noël il y a «Noël», qu’on devine (il neige, l’alcool coule à flots, les flics veulent juste rentrer réveillonner) et «cadeau» qui est moins évident. Car à qui le Père Noël a-t-il pensé dans cette histoire de jeunes filles russes importées pour la prostitution, de mafieux italiens glissants comme des anguilles, de tueurs fous bourrés de crack? Sûrement pas à Mariani, l’inspecteur à deux doigts de la dérive, ni à son copain Michel, journaliste et alcoolique repenti à mi-temps, qui en ces fêtes bien peu joyeuses nous entraînent dans les bas-fonds de Lausanne pour venger l’assassinat d’une petite serveuse, innocente victime de trafics aussi sordides que rémunérateurs… Fin connaisseur d’une ville prospère et bourgeoise dont il retourne le décor avec jubilation, Daniel Abimi invente le «polar lémanique», noir et grinçant, au suspense soigneusement entretenu, qui accorde autant de places à sa vision pessimiste de la nature humaine qu’aux scènes glauques ou violentes – d’autant plus efficaces qu’elles se situent dans des lieu familiers!

JOËLLE BRACK
, Librairie Payot Lausanne, Générations plus

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Lausanne jouit du bon profil pour le roman noir

Daniel Abimi et Matthias Urban écrivent au noir et prennent la capitale vaudoise comme écrin. Pourquoi?
Daniel Abimi (48 ans) et Matthias Urban (38 ans) écrivent à heures perdues, comme ils disent. «C’est du vol à l’arraché!» Le premier, ancien journaliste et délégué du CICR, est fonctionnaire à l’État de Vaud. Le second fréquente les scènes de théâtre, comme comédien ou metteur en scène; il tourne actuellement avec la pièce Qui a peur de Virginia Woolf?

Pourquoi le roman ou la nouvelle noire?
Matthias Urban: Je suis un passionné de polars. J’ai commencé à en lire très tôt, avec Les histoires qui font peur, présentées par Hitchcock, en poche. Le format de la nouvelle me passionne.
Daniel Abimi: Fin des années 80, je lisais beaucoup de polars, dont les actions se passaient en Suède, dans des bleds de 20 000 habitants, en Italie, à Barcelone, ou aux États-Unis. Je me suis dit que Lausanne avait tout ce qu’il fallait pour écrire du roman noir. Les ingrédients y sont concentrés dans un périmètre si réduit qu’on se trouve presque dans un huis clos. Et Lausanne, si visuelle avec ses différences de niveaux, ses strates sociales, offre un cadre extraordinaire à ce genre.

S’y prête-t-elle davantage que d’autres cités?
Daniel Abimi: Toutes les villes s’y prêtent. Mais, comme Matthias, je connais bien cette ville. Il m’est donc facile de l’utiliser sans devoir faire preuve de beaucoup d’imagination.
Matthias Urban: On parle de ce que l’on connaît. Sur cette base se déploie tout un imaginaire. J’ai besoin de partir d’éléments connus.

Matthias, vous êtes moins sur Lausanne, plus sur la «vaudoisité»…
Matthias Urban: Oui, il m’arrive d’écrire sur Bottens, dont je suis originaire, ou Paris, que j’ai fréquenté un peu. J’ai même un quart de sang parisien par ma grand-mère. J’ai été très marqué par la lecture du Portrait des Vaudois, de Chessex.

Daniel, vous, vous ne sortez pas de Lausanne?
Daniel Abimi: Non, comme c’est ma ville, je ne vois pas de raison d’écrire un roman se passant à Genève ou sur la côte est des États-Unis. La sincérité de l’écriture tient à la connaissance des atmosphères et des ambiances. Dès lors, l’élan vers la fiction se trouve facilité. Tous les personnages sont fictifs, mais ils pourraient exister à Lausanne. Leurs profils ont un côté familier. Et la capitale est de moins en moins vaudoise. Dans son brassage culturel fort, je trouve les matériaux nécessaires. Le croisement entre gens du cru et d’ailleurs donne à la ville une empreinte plus polar que par le passé.

Vous utilisez tous deux le fait divers…
Matthias Urban: J’ai toujours bien aimé les chroniques judiciaires. J’ai suivi certaines affaires en feuilleton. Celle des faussaires de tableaux m’a inspiré. J’ai trouvé touchants ces «branquignols» incapables de réussir un coup. Ça a donné Le Brocanteur. J’ai un peu transformé les personnages pour respecter la sphère privée de ces gens, qui doivent se trouver à Orbe. Lausanne, la Suisse constituent une des places fortes de la finance mondiale. Mais trois rues après les banques se découvrent des êtres aux parcours de vie intéressants, des gens connaissant l’échec ou l’adversité. Je pense aux habitants de la rue de l’Ale ou de l’ancien Rôtillon. Lausanne est aujourd’hui un hall commercial à ciel ouvert, mais il n’y a pas si longtemps, on y trouvait de l’artisanat, des bistrots…
Daniel Abimi: Certains milieux, je les ai découverts à travers mes reportages de localier en suivant la police. Il existe des trucs horribles avec de la boue sous les semelles, dont on s’imprègne forcément. Cela fournit la chair de certains personnages. J’ai aussi été chauffeur de taxi avant d’œuvrer pour la presse.

Daniel Abimi ne se voit pas à l’avenir écrire des trucs roses, il pourrait par contre explorer davantage l’Ouest lausannois, qu’il juge particulièrement visuel. Quant à Matthias Urban, il aime explorer les pistes se situant à la frontière entre le noir et une littérature plus générale. On pourrait le retrouver du côté de Bière.

MICHEL RIME
, 24 Heures

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Un polar lausannois brasse le désespoir

Dans son roman qui se déroule dans les rues et alcôves de Lausanne, Daniel Abimi ne laisse guère de place à l’espoir: sexe et meurtres de Noël

Pas le moindre coin de ciel bleu, pas un petit souffle d’espoir dans le deuxième roman de Daniel Abimi, Le Cadeau de Noël. À travers ces 360 pages menées d’une plume vive et habile dans les descriptions, Lausanne est une cité peuplée de prostituées, de flics corrompus, d’avocats troubles, d’étrangers proxénètes ou tueurs, de bourgeois pourris, de gens profondément glauques qui vivent dans le glauque, surnagent, pataugent et meurent dans le glauque. Peut-être existe-t-il dans ce Lausanne d’autres habitants, mais on n’en entend pas parler, on ne les croise pas, ils sont absents.
Ce livre qu’on aurait aimé aimer car on aime bien Daniel Abimi, ce livre on le referme avec un drôle de sentiment d’inachevé. L’histoire commence par un meurtre, mais l’histoire, dans le fond, on s’en fiche très vite. Parce qu’au bout d’un certain nombre de pages il faut revenir en arrière pour se rappeler qui était qui, qui baisait qui avec qui, qui buvait quoi à plat ventre sur quel parquet, qui avait un string rouge, qui n’en avait déjà plus, qui se faisait prendre et par combien de personnes à la fois.
Donc, on s’en fiche, de l’histoire. Et, au bout du compte, que la petite jeune fille de la station-service ait été abattue par celui-ci ou celui-là, on s’en fiche aussi. Pourquoi? Parce que dans ce livre qui rappelle en certains passages que Daniel Abimi fut un très bon journaliste de terrain, qui humait les atmosphères et les températures, les âmes ne comptent guère. D’ailleurs, il n’y a pas d’âmes. Alors on ne s’y attache pas. Forcément. C’est dommage.
Avec le talent qui est le sien, Abimi devrait mettre sa plume au service de quelque chose de plus profond, de plus fin. De plus suggéré. Avec, pourquoi pas, un de ces éléments qui font vivre et pas seulement mourir ou vivoter des personnages: l’humour, le cœur, voire même un peu d’espoir.

PHILIPPE DUBATH
, 24 Heures

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Le Cadeau de Noël: sang, sperme et larmes dans la Lausanne du sexe tarifé

Un seul tir de revolver dans une station-service met brutalement fin à la vie d’Elena, une jeune femme d’origine ukrainienne. Ni le gérant de la station, un Bulgare, Kiril Todorov, ni son neveu absorbé dans son jeu électronique, n’ont vu quoi que ce soit. En tout cas, ce meurtre est du travail de pro. C’est à la Blécherette, tout à côté de Lausanne, qu’Elena a été froidement dézinguée.
Lorsque démarre l’enquête, le flic vaudois Serge Mariani, tiraillé entre le boulot et les SMS répétés de sa femme au sujet du repas de Noël, doit demander l’aide d’un journaliste hautement alcoolisé, Michel Rod. Car les investigations se portent dans le milieu des noctambules, des buveurs, des arrière-boutiques des commerçants du sexe, entre baisodromes à bas prix tapissés de matelas et parties fines cinq étoiles à deux mille francs suisses l’entrée. Elena, en effet, était une fille de joie, ou, pour la décrire de manière plus moderne et moins poétique, une travailleuse du sexe.
Le lecteur, dans ce polar situé dans le chef-lieu vaudois, et intitulé Le Cadeau de Noël, paru aux éditions Campiche en cette fin 2012 faussement apocalyptique, fiction qui se déploie donc en des lieux que les habitués parfois reconnaîtront, au seuil des fêtes de fin d’année, peu avant et pendant Noël, le lecteur, donc, va ainsi rencontrer: une mère maquerelle au cœur de pierre, un tueur aux nerfs dangereusement fragiles, un pizzaiolo en surpoids, de vieilles dames de la haute, un étudiant en philo qui joue au Père Noël, un chirurgien réputé autant pour son habileté que pour ses relations, des hommes du DARD (une force d’intervention rapide), un délinquant qui fait une indigestion de cevapcici (ou cevapi, en serbe ћевапчићи), des spécialités culinaires serbes, bosniaques, balkaniques, etc. Sang et larmes, déchirures sociales et exploitation des filles par l’homme (ou par une femme) parsèment ce roman policier. L’humour, une pincée de comique social s’invitent devant le sapin, à un moment. On rit (un) peu. La qualité principale de l’écrivain, Daniel Abimi, qui signe là son deuxième roman, réside dans le fait de brosser des portraits vivants et hauts en couleur des protagonistes, flics ou voyous, épaves ou jouisseurs en mal d’amour tarifé ou disons, de sexe plutôt que d’amour.
Lausanne devient un décor romanesque ces derniers temps. En l’an 2035 dans 33e itération d’Yvan Bidiville, et un peu dans le recueil Léman Noir, et maintenant dans Le Cadeau de Noël.
Avis – je le dis avec une pointe d'humour – aux autres villes romandes... et aux autres cantons suisses romands. Lausanne est très romanesque en 2012. Dans un autre article de ce blog, j'évoque Genève dans la littérature & fiction, par ailleurs.

le-pays-de-souram.over-blog.com/article-le-cadeau-de-noel-sang-sperme-et-larmes-dans-la-lausanne-du-sexe-113083761.html

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La belle jaquette brillante de l’ouvrage de Daniel Abimi, décorée de rennes scintillants tirant un traineau – vide – sculptés dans la glace, souligne la beauté éphémère de Noël et révèle l’ironie du titre. Le Cadeau de Noël est un roman fondé sur une enquête policière menée juste avant Noël par l’inspecteur Mariani dans une frange glauque de la société lausannoise dépourvue de valeurs morales et humanistes. Quelques jours avant Noël, Elena, une jeune Ukrainienne, employée dans «la station service, Agip, la dernière avant l’échangeur de la Blécherette» qui «fa(it) dans la restauration» est tuée par un professionnel alors qu’elle allait servir des «penne alla carbonara». Afin d’arrêter le criminel, il faut d’abord «trouver le mobile». Tous les ingrédients du roman policiers – suspens, action, violence, rebondissements, résolution de l’énigme à la fin de l’ouvrage – sont savamment et judicieusement orchestrés. Le Cadeau de Noël, roman policier à l’intrigue bien charpentée, cultive l’appétit de sensations du lecteur. La narration, contemporaine à l’action, donne à voir concomitamment, sans lien au premier abord, des fragments de vie de différents personnages croqués sur le vif, (Mariani, le policier migraineux, Rod, un journaliste alcoolique, Svetlana Meylan, épouse d’un assureur…) qui se relient progressivement de façon nécessaire.
La bourgeoisie privilégiée et les petits truands hantent sans scrupules les mêmes milieux de la drogue, de la prostitution, de la pornographie et de la violence. Sous le vernis esthétique et policé  hypocrite  de la bonne société se cachent  des êtres vulgaires que «l’odeur de l’argent (…) rend tous délicieux». La richissime Anne-Sophie Hartmann accueille son cousin «un verre à soda rempli à la main (…) Son haleine dégage(ant) une forte odeur de gin». Son mari «chirurgien chef à l’hôpital du Samaritain à Vevey» «se commet dans des partouzes», méprisant et réifiant  les jeunes prostituées slaves sans papier: «tu lui allonges une baffe avant de la baiser comme si elle était ta chose». Les enfants, «quatre chérubins (qui) assuraient la partie musicale du réveillon», apparemment des angelots blonds, bien éduqués, sont en réalité de véritables terreurs soutenues de surcroît par leur mère. Déçus de leurs cadeaux, («Corentin quand il découvrit que le téléphone qu’il avait entre les mains était l’ancien modèle, celui qui était déjà vieux de sept mois (…) commença par devenir tout rouge, poussa un hurlement qui forçait sur les aiguës puis jeta son appareil contre le père Noël»), ils lapident le père Noël avec rage et colère. Daniel Abimi décrit avec un réalisme, frôlant parfois l’épique dans ses scènes de violence ou de sexe, un univers corrompu («L’ordre judiciaire étouffa l’implication de son éminent membre avec élégance»). Il ridiculise et caricature même la haute bourgeoisie aisée. Le roman policier  entraîne une critique sociale avec un humour souvent corrosif. La litanie de mots familiers qui circulent dans l’ouvrage restitue la vie de ce milieu sordide dans toute sa spécificité concrète. Le style colle à la réalité vécue. Les  apparentes belles manières des bourgeois ne peuvent cacher leur essence débauchée et malsaine. Très vite le vernis s’écaille.

ANNIE FOREST-ABOU MANSOUR
, ecritoiredesmuses.hautetfort.com

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Un Noël qui sent le sapin

À quelques jours de Noël, l’inspecteur Mariani, qui a la tête dans un étau et n’a bientôt plus d’aspirine, est appelé sur une scène de crime. À la station-service de la Blécherette, une employée sans papiers s’est fait canarder en plein jour et au vu de tout le monde. Pourtant, personne ne sait rien, personne ne dit rien. Aidé dans son enquête par des flics éclairés et un journaliste imbibé, ce policier brusque et bourru va s’immerger dans les bas-fonds lausannois pour découvrir les identités de la victime et de son meurtrier. Et entre escrocs, dealers, putes, trans et macs, ce Noël va se transformer en vrai bordel.
Trois ans après son premier et sanglant bouquin, Le Dernier échangeur, Daniel Abimi, ancien journaliste et baroudeur au grand cœur pour le CICR, revient avec un nouveau polar à la vaudoise. «Moins de sans, plus de sperme…», le ton est lancé. Un roman sombre et sarcastique sur le monde du sexe, à s’envoyer d’un coup.

ALINDA DUFEY
, Vigousse

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On va s’arrêter maintenant sur le livre de saison, s’il en est, il est intitulé Le Cadeau de Noël et est signé Daniel Abimi. En l’occurrence, Geneviève, eh bien c’est un cadeau noir…
Ben oui, parce que c’est un livre policier, le deuxième de cet auteur qui a choisi comme décor sa ville de Lausanne et qui avait publié il y a trois ans, je vous en avais parlé,  Le Dernier Échangeur, un titre à double sens puisqu’il y était question d’une bretelle d’autoroute, d’abord, mais surtout de la tendance échangiste chez des notables lausannois… Alors, pareil pour Le Cadeau de Noël, dont l’histoire se passe à quelques jours des Fêtes et qui commence par un meurtre, même si à deux ou trois reprises les deux héros du livre, le tandem habituel, c’est-à-dire le flic fatigué – Serge Mariani – et le journaliste alcoolique Michel Rod, même si ces deux-là se posent l’inévitable question des cadeaux, mais c’est un thème fugitif l’essentiel est ailleurs.

Vous voulez dire dans l’énigme?
Ben, pas vraiment en fait, parce que ce n’est pas dans une enquête qu’ils nous mènent à la vérité qu’on trouve, mais c’est plutôt dans la peinture, la caricature je dirais, d’une société hétérogène où se côtoient sans se connaître – et à travers le sexe, la dope ou le chantage – toutes sortes de groupes distincts. Il y a les notables, il y a aussi les bourgeois traditionnels, très comme il faut, des retraités ou des assureurs de la classe moyenne, mais il y a aussi des prostituées venues de l’Est, des Albanais, faut savoir que le père de Daniel Abimi est albanais, ce qui nous laisse penser que les quelques jurons proférés dans le livre sont vraiment d’origine, et puis il y a aussi des travestis et des flics bien entendu.

Flics qui vont donc enquêter sur le meurtre du début du livre. Mais alors qui est tué, comment et pourquoi?
Eh bien c’est une jeune femme, pompiste, mais qui n’est pas uniquement pompiste, ukrainienne, Elena, qui a été abattue d’une balle par un motard casqué dans la station-service où elle travaillait, en tout cas c’est ce qu’on constate au début du livre; il y a six témoins du meurtre, mais personne n’a rien vu! Et à partir de là, Daniel Abimi nous fait découvrir, tout près de chez nous, les réseaux cachés, les gangs-bangs dans une villa de banlieue, l’exploitation des filles étrangères dont on a confisqué les papiers… Il suit d’ailleurs plusieurs pistes, dans ce livre; en dehors du principal crime, il y a deux ou trois faits divers qui apparaissent dans le livre, mais sans être vraiment approfondis ni expliqués. Il fait froid, évidemment puisqu’on est près de Noël; les gens sont souvent solitaires, déprimés, ils bouffent et boivent trop, même avant les Fêtes, c’est fou ce qu’on vomit, d’ailleurs, dans ce livre, où la mayonnaise, les pizzas surgelées, les sandwichs au thon, les cevapcici, albanaises évidemment, alternent avec les amuse-gueules ou le foie gras dans les milieux plus huppés, selon effectivement celui auquel on appartient.

Atmosphère donc bien lourde, et bien sombre aussi…
Oui, mais alors dépeinte au second degré, il faut le savoir… Comme pour nous rappeler qu’on aime bien, nous, se faire peur en s’imaginant des horreurs qui se passeraient juste derrière les rideaux de nos voisins. Daniel Abimi force le trait pour tourner en dérision nos habitudes, nos certitudes et nos petites vies «pépères», sans prétention mais avec une précision de détail qui ne peut qu’amuser les Lausannois… Il met en scène entre la place Chauderon, le Tunnel, ou les palaces du bord du lac, un comédie humaine contemporaine et locale… De local à universel, il y a un pas que le lecteur est libre de franchir…

GENEVIÈVE BRIDEL
, Quartier Livres, RTS «La Première»

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Triste Noël

À travers Lausanne, décrite avec un soin minutieux, un journaliste alcoolique et un flic migraineux cherchent à savoir qui a tué l’employé de la station-service de la Blécherette. Une descente dans des milieux (sexe, drogue) où même Noël n’est pas une fête.

JEAN-BLAISE BESANÇON
, L’Illustré

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Le polar n'est pas un genre mineur. Je ne dis pas cela parce que je suis un adepte. Je le dis parce que ce n'est pas le genre littéraire qui fait la qualité d'un écrivain. Le genre ne fait rien à l'affaire. Il y a des écrivains médiocres dans tous les genres et d'autres qui ne le sont pas. Le polar suppose bien sûr qu'il y ait une énigme à résoudre et que la vérité ne se fasse jour qu'après quelques rebondissements. Mais, à partir de là toutes les possibilités sont ouvertes.Le polar de Daniel Abimi ravira les Lausannois, plus particulièrement les noctambules, ou ceux qui lisent les rubriques de faits divers dans leur quotidien Le Matin. En effet les habitants de Lausanne y retrouveront bien des lieux qu'ils connaissent, même si l'auteur prend avec eux quelques libertés; ils ne seront pas dépaysés par les patronymes des protagonistes; ils auront l'impression de se trouver au milieu d'une intrigue familière, même si les faits et les personnages sont fictifs, à une exception près...
Il ne faut pas croire pour autant que ceux qui ne connaissent pas Lausanne n'auront aucun intérêt à le lire. En effet le livre fourmille de suffisamment de détails vrais sur la capitale vaudoise pour qu'ils la reconnaissent, s'ils s'y rendent, ou qu'ils aient envie de s'y rendre.
L'histoire se passe en 2012 et commence quelques jours avant Noël. Une jeune femme, Elena, originaire d'Ukraine, employée dans la station-service Agip située avant l'échangeur de la Blécherette, est tuée dans la cafétéria de l'établissement.
Un individu casqué lui a tiré une balle dans le sein gauche, à bout portant, et est reparti à moto, comme il était venu, et comme si de rien n'était. Du travail de professionnel. D'autant que, s'il y a bien six témoins du meurtre, trois hommes et trois femmes, ils n'ont rien vu...
Le patron de la station-service est un Bulgare. Il était assis face à son neveu dans la cafétéria quand le coup de feu est parti. Il tournait le dos à l'entrée et son neveu était plongé dans un jeu électronique. Une femme tenait la caisse, une autre comptait les chips. Enfin deux clients, un homme et une femme, faisaient le plein.
L'enquête est dirigée par l'inspecteur Mariani. Elle va le conduire dans le milieu de la prostitution – et de la drogue qui lui est liée – et de ses clients huppés. L'aide d'un journaliste alcoolo, Michel Rod, qui est apparenté à des gens de la haute société lausannoise, ne sera pas de trop pour démêler l'écheveau de cette affaire, où les parties fines jouent un rôle essentiel.
L'intérêt du livre réside dans le rendu vivant des personnages qui en émaillent le récit, qu'il s'agisse, d'un côté, des policiers et du journaliste, ou, de l'autre, des putes européennes de l'est, de leur mère-maquerelle, de leurs clients, des proxénètes qui opèrent dans l'ombre ou de leurs porte-flingues.
L'auteur restitue tout ce petit monde du sexe et du fric avec beaucoup de réalisme, de crudité et de justesse. Il montre qu'il suffit de gratter un peu le vernis des apparences pour que soit révélé le côté sombre de la nature humaine, qui peut se retrouver dans des individus appartenant à toutes les conditions sociales.
À deux reprises Daniel Abimi parle de «cadeau de Noël». Une première fois quand Michel Rod s'offre une participation exorbitante à une partie fine pour progresser dans son enquête; une deuxième fois quand le même donne un billet à une prostituée qui l'a aidé à découvrir le commanditaire du meurtre d'Elena.
Il ne faut donc pas considérer ce roman, écrit avec toutes les qualités que requiert le genre – entre autres, descriptions précises et dialogues qui sonnent juste –, comme un joli conte de Noël, mais comme un tableau noir des mœurs de notre époque, qui, heureusement, du moins veux-je le croire, ne doivent pas être considérées comme une généralité.

Blog
de
FRANCIS RICHARD

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Flon et bas-fonds

Trois ans après un premier polar, Le Dernier Échangeur, Daniel Abimi retrouve ses personnages et les bas-fonds lausannois. En particulier l’inspecteur Mariani et Michel Rod, journaliste qui tente de soigner son alcoolisme. Deux figures attachantes, aux fêlures douloureuses, qui, en parallèle, vont enquêter sur le meurtre d’une jeune femme, exécutée dans une station-service.
Le Cadeau de Noël poursuit l’exploration de l’envers du décor lausannois. Pas seulement du côté glauque – sexe, drogue, et autres joyeusetés. Entre tueurs, prostituées et buveuses de tout poil se glisse aussi la bonne société bien lisse, que l’écrivain vaudois observe avec la même ironie bienfaisante. Lieux et personnages sont dessinés avec une précision implacable et l’essentiel se trouve bien là, plus que dans une intrigue un rien convenue.

ÉRIC BULLIARD
, La Gruyère

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Pour Le Cadeau de Noël le canton de Vaud se transforme en décor de polar

Enfant, le Lausannois Daniel Abimi rêvait de travailler au CICR ou de devenir journaliste. Il a réalisé l’un et l’autre. Après avoir habité les pages locales des quotidiens vaudois, il s’est ainsi retrouvé sur le terrain en Afrique et en Afghanistan. Et puis, un jour, il s’est senti trop vieux. «À partir de 40 ans, la conscience du danger devient différente», glisse-t-il avec un sens pudique de la litote. Il est donc rentré à Lausanne où il s’est efforcé de reprendre pied dans une réalité plus banale.
Son goût des autres restait néanmoins bien vivace. Il a finalement trouvé à s’incarner dans une nouvelle activité: l’écriture de polars. À 47 ans, tout en travaillant comme fonctionnaire, Daniel Abimi publie un deuxième roman policier qui sort à point nommé et porte bien son nom: Le Cadeau de Noël.

Deux limiers décatis

Chacun à sa façon, Serge Mariani et Michel Rod, le flic migraineux et le journaliste alcoolique, enquêtent autour de la mort aussi mystérieuse que violente d’une jeune femme venue de l’Est. L’occasion de rappeler que les plus cyniques assassins ne se recrutent pas forcément dans les bas-fonds de la société. Parallèlement, imperturbable, Noël approche, confrontant chacun à ses fantômes, famille indifférente ou insupportable pour les uns, solitude pour les autres réduits à de déprimants face-à-face avec hamburgers, pizzas et cœurs de France rassis.
Salons de massage, drogue et dealers sans scrupule, gang bang dans une petite villa proprette de banlieue, le monde dans lequel débarquent nos deux limiers décatis n’est pas rose. Daniel Abimi se méfie toutefois de la fascination pour le trash et tire volontiers le sordide du côté du grotesque. Son amour des êtres fait le reste. Parallèlement, en tête de chaque chapitre et comme dans les récits anciens, un petit résumé se charge de mettre le lecteur en appétit. Avec un sens parfois déroutant du raccourci, il promet de révéler «comment un chien se passionne pour une émission culinaire pendant que son maître se fait cuisiner par les poulets» ou nous annonce l’«autopsie d’une bûche de Noël».
Le vrai n’est pas toujours vraisemblable. Et inversement. Il convient de s’en souvenir quand on déballe Le Cadeau de Noël de Daniel Abimi. Comme ses personnages s’appellent de Marval, Perrin, Badoux, Pittet ou Meylan, le lecteur romand ne peut s’empêcher de chercher quel vrai corps pourrait habiller ces patronymes. Fausse piste! «Je déteste les romans à clés, insiste l’auteur. Il n’y a rien à chercher de ce côté-là dans mes livres. Bien sûr, il m’arrive parfois de recycler des histoires. Et puis, soyons honnêtes, rien qui ressemble plus à un pizzaïolo qu’un autre pizzaïolo.» Pour se rassurer, on se surprend effectivement à espérer que l’impitoyable Kevin Porchet, qui aime à s’exhiber «vêtu d’un seul slip léopard et d’une paire de chaussettes de sport blanches», n’est effectivement qu’un être de papier.
Les personnages sont de pures fictions, les lieux, en revanche, existent bel et bien. Avec un bonheur complice, les Lausannois n’auront aucune peine à les identifier. Qui, en effet, n’a jamais pris d’essence à «la station-service, Agip, la dernière avant l’échangeur de la Blécherette»? Sans même parler de la rue du Tunnel où habitait la victime, de la place Chauderon où s’activent les dealers, de l’hôtel Palace ou du restaurant Vieux-Lausanne avec son patron suédois.
Et pour découvrir de nouveaux endroits, l’auteur n’a pas hésité à partir en repérage. Il a ainsi découvert qu’il existait à Cheseaux un chemin des Crottes! On ne pouvait rêver mieux pour abriter les déviantes pratiques sexuelles des bons bourgeois blasés.
S’ils n’éprouvent aucune attirance pour les zones villas, et autres «saletés architecturales» dont la ville est richement dotée, les personnages de Daniel Abimi apprécient les rues du centre-ville et les bistrots aux atmosphères interlopes.
À travers Mariani, l’auteur insiste aussi sur l’étrangeté poétique de la gare de triage de Denges qu’il décrit couverte de neige, «surface ahurissante» baignant comme chaque nuit «dans sa lumière orange et artificielle». C’est peu dire donc si ce livre possède de multiples niveaux de lecture et d’usage. Il peut même servir de guide aux touristes étrangers soucieux de sortir des sentiers battus.

MIREILLE DESCOMBES
, L’Hebdo

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Daniel Abimi ou le polar à la vaudoise

Sur la couverture, la présentation de l’auteur signale qu’il «a lâché le pinard pour le polar». Les cafetiers s’en désolent, les lecteurs s’en réjouissent: Daniel Abimi publie ces jours-ci un très bon roman qui marche droit, même si certains de ses personnages glissent dans le caniveau. Un polar, donc. Bien troussé. Sans chichi. Charpenté à l’ancienne. Et irrigué d’un sarcasme noir comme les âmes damnées qui peuplent ici la nuit lausannoise. Le Cadeau de Noël n’en est pas vraiment un pour la ville natale de l’auteur.
Les deux personnages principaux étaient déjà apparus dans un premier roman, publié en 2009: Le Dernier Échangeur (Campiche).
Revoilà donc l’inspecteur Mariani et le journaliste Michel Rod. L’assassinat d’une jeune fille, employée d’une station-service, va les envoyer l’un et l’autre au milieu d’une faune criminelle qui pousse ses tentacules jusque dans la bonne société. Mais ils ont déjà fort à faire avec eux-mêmes. Le premier pour combattre ses migraines et ses humeurs dépressives tout en fuyant les persécutions d’une épouse qui l’appelle sur son portable trente fois par jour. Le second pour échapper à ses démons éthyliques: c’est un homme dont la vie tient tout entière dans cinq cartons et une valise.
Daniel Abimi cuisine son polar vaudois en soignant les atmosphères. L’enquête passe par des quartiers qui ont «basculé de la pipe artisanale à la fellation industrielle». Elle évolue aussi dans des rues où la coke se trafique sous les guirlandes lumineuses de Noël. Et, après avoir suivi une opération policière plutôt foireuse contre deux tueurs balkaniques assiégés à la rue de Genève, on finit par débarquer dans un gang bang à Cheseaux. Les mœurs, les lieux, les adresses elles-mêmes, tout est si précis dans ce roman qu’on devrait pouvoir le prendre comme guide des enfers lausannois.

MICHEL AUDÉTAT
, Le Matin-Dimanche

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Moins de sang, plus de sperme... À peine remis des tueries du Dernier Échangeur, Michel Rod s’offre son Cadeau de Noël.
À la veille du réveillon, le journaliste barbote au fond de son verre, le père Noël fait jouer les enfants sur ses genoux et une jeune pompiste est abattue dans une station d’essence. Sur les traces de son meurtrier, le flic Serge Mariani va s’enfoncer dans le marigot lausannois. Au fil de l’enquête, on croise une mère de famille nymphomane, une maquerelle sans cœur, un pizzaiolo obèse et un tueur aux nerfs fragiles. En filigrane de l’intrigue, l’auteur nous emmène en balade dans les arrière-boutiques des petits commerçants du sexe.
Pour son deuxième roman, Daniel Abimi nous offre un vrai Noël noir.


Un extrait:

Un homme d’une stature imposante lui tendait une main amicale. Le crâne chauve, le torse, le ventre et les membres épilés, il était presque nu. Il portait juste une culotte de cycliste en cuir noir. Des petits boutons rouges constellaient ses épaules. Deux dauphins étaient tatoués sur la peau lisse de sa poitrine. À ses côtés, une dame d’une quarantaine d’années s’avança pour lui coller une bise sur les deux joues. Rod était embarrassé et ne savait pas quoi faire de ses mains et de ses yeux. Posée sur des talons stiletto de douze centimètres, la dame était vêtue d’un simple filet aux mailles distendues hors desquelles pointaient des seins abondants. Si Rod ne comprit pas qu’elle se prénommait Nicole, il ne put s’empêcher d’observer que son sexe était rasé.
— Joyeux Noël! dit-elle en guise de bienvenue.

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