en attendant que le café monte
j’ai le temps de penser
que ma vie aurait été différente
si mon père en 1970
avait accepté ce fameux poste en Thaïlande
nous aurions été riches
j’aurais eu pour amis deux petits singes
habillés comme des enfants
une nounou aurait joué avec moi
dans la grande maison en bois de tek
entourée d’une petite jungle
j’aurais appris le thaï
je serais restée pieds nus toute la journée
sauf pour l’anglais
que j’aurais étudié sans doute avec des souliers
le temps de penser à tout ce qui n’aurait pas existé
le temps de penser à tout ce qui aurait existé
ces autres lieux ces autres gens
cet autre enfant que j’aurais eu d’un autre père
mais mes pensées sont trop fugaces
mon corps trop fatigué pour tout recommencer
le café monte et de toute façon
si le soleil était une graine
le ciel serait le bec ouvert
d’un oiseau bleu