camPoche 91


MICHEL BÜHLER

Les Maîtres du vent

Récit
2021. 144 pages. Prix: CHF 12.00
Œuvres complètes de Michel Bühler ; II
ISBN 978-2-88241-479-3



Biographie

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Les Maîtres du vent


Où il est question du parc éolien de Sainte-Croix

Deux décennies et plus de lutte pour finalement la perdre à cause d’un diktat du Tribunal Fédéral, la pilule est amère. Elle l’est pour tous les opposants au projet, et tout particulièrement pour Michel Bühler, leur porte-étendard


Don Quichotte et les moulins à vent

Dans son récit Les Maîtres du vent, le chanteur, écrivain et défenseur de nobles causes, relate la croisade menée par les opposants pour tenter de saborder ce projet qui a divisé la population entre deux camps presque égaux.
«Il s’agit là d’un texte partisan. Oui, j’utilise parfois des termes qu’on pourra juger excessifs. Je les assume.» Le narrateur annonce la couleur. C’est l’indignation, la colère, une infinie tristesse qui ont mobilisé sa prise de position et son coup de gueule.
Déni de justice, mensonges et dissimulation, Bühler ne botte pas en touche. Il s’insurge contre les affirmations erronées du TF. Il s’était fendu d’une lettre adressée aux membres du Conseil national et du Conseil des États. Sur 246 personnes contactées, seul un conseiller UDC lui a répondu aimablement.

Retour sur image

À la fin des années 90, un promoteur – qui a le feu vert du Canton – a le projet d’implanter quatre éoliennes sur le Mont des Cerfs et trois autres aux alentours des hameaux de Gittaz. Neuf ans plus tard, à la demande de Romande Énergie SA, la commune accepte de débloquer CHF 30’000.00 afin de participer au financement d’un crédit d’étude.
À peine le projet connu, une association se constitue. En 1999, elle réunit suffisamment de signatures pour provoquer un référendum. 60 % des citoyens de la commune refusent ce crédit. La commune se retire de l’affaire. Mais les autorités cantonales ont la dent dure. Elles reprennent le projet à leur compte.
Faire le procès de l’éolien, les opposants s’y sont attelés. Bien que conscients des enjeux énergétiques, ils se sont informés sur les nuisances que les aérogénérateurs engendrent, sur leur faible rendement, sur les coût énormes de leur fabrication et de leur installation, sur les subventions empochées par le promoteur, etc., etc.
En 2005, le Canton confie le dossier à Romande Énergie. Sept ans plus tard, votation populaire. La catastrophe de Fukushima vient de se produire. C’est «oui» aux hélices.
Et l’on connaît la suite. Pour les détails de l’affaire, se référer au récit de l’habitant de Sainte-Croix qui a consulté force de documents. «Dans ces pages, il se peut que de menues incertitudes apparaissent ici ou là. Elles sont dues au sentiment d’urgence qui m’a poussé à écrire et ne changent rien au fond de l’affaire.»
Il porte l’estocade. «Toucher au domaine de l’éolien et la Suisse se transforme en république bananière», Bühler dixit. Et d’ajouter dans la foulée: «Ce n’est pas le vent qui fait tourner les hélices, mais les subventions.»
Fin de la partie. Les trax ont débarqué au Mont des Cerfs et aux Gittaz. Il ne reste plus aux opposants qu’à remiser les calicots, ravaler leurs larmes et leur colère.

ÉLIANE JUNOD,
L'Omnibus, vendredi 11 mars 2021

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Le vent a le goût salé des larmes

On connaît le Michel Bühler chanteur, auteur, compositeur. On retrouve le Michel Bühler écrivain et chroniqueur. Dans Les Maîtres du vent, il raconte son combat contre la construction d’éoliennes sur les hauteurs dominant Sainte-Croix et L’Auberson, dans le Nord vaudois. L’enfant de la région raconte les affrontements autour du projet, au sein de la population divisée quasi à parts égales, avec les autorités locales et les responsables du projet, les diverses étapes démocratiques. Le livre est traversé par la fougue et l’indignation. Normal, Michel Bühler l’a écrit avec ses larmes.

G.S., Le Matin Dimanche, 16 janvier 2022

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Très remonté contre l’éolien, Michel Bühler vient de commettre un ouvrage qui s’en prend vertement au lobby soutenant le développement de cette énergie. Sa cible: le parc sur les hauteurs de Sainte-Croix et L’Auberson, dans son jardin vaudois. «J’écris pour qu’une trace existe de ce qui est arrivé dans un tout petit coin de la Suisse», écrit-il en préambule. Après vingt ans de lutte, le chanteur se dit «indigné, atterré, en colère et triste» de voir des bulldozers se comporter maintenant comme des envahisseurs. «On déboise, on coule dans nos prés des tonnes de béton», dit-il. Sans compter que ce site a divisé le village en deux. Publié chez Campiche, l’essai Les Maîtres du vent revient sans aménité sur l’arrêt prononcé en mars 2021 par le Tribunal fédéral, justifiant l’intérêt national de ce projet. Pour Michel Bühler, cette décision a «des conséquences d’une gravité extrême» sur la crédibilité du TF et sur les populations subissant les nuisances de l’éolien. Les journalistes en prennent pour leur grade. Peu critiques et inféodés aux promoteurs, selon lui. Son constat est sans appel. Ces pales «ce n’est pas le vent qui les fait tourner, ce sont les subventions». Il n’a pas hésité non plus à s’adresser par courrier à toute la classe politique à Berne «pour dénoncer cette pantalonnade». Un seul député UDC lui a répondu. «Je ne m’attendais pas à une telle unanimité dans le déni. Dès qu’on touche à l’éolien, la Suisse se transforme en république bananière.» De plus, «notre région n’est pas assez ventée».

AMR,
Le Courrier, 22 janvier 2022

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Courant d’airs

Bühler contre bulldozers

Lui-même, depuis plusieurs décennies, tourne grâce à des airs. Pourtant, le chanteur vaudois Michel Bühler combat les éoliennes, notamment celles qu’industriels et autorités veulent à tout prix ériger dans sa commune de Sainte-Croix. Mais il a des arguments et ce n’est pas du vent

À voir l’encore et toujours rebelle Michel Bûhler se démener comme un beau diable contre les moulins à vent, on pourrait se méprendre. Ce vieux ronchon ne serait-il pas rétif à toute forme de nouveauté? Ce nostalgique têtu se cramponerait-il à ses sapins et à ses bouses en refusant la moindre atteinte aux crêtes du cru? Le poète enragé contre tout projet du pouvoir? Le Zapata du Jura larguerait-il la solidarité dès qu’on touche à son pâturage carré? Préférerait-il à l’électricité mitonnée dans les marmites nucléaires? Abuserait-il de la gentiane?
Non. En réalité, c’est sur une démonstration solidement étayée que Michel Bühler fonde sa fronde. Au fil d’un récit limpide paru sous le titre Les Maîtres du vent, il retrace l’histoire du projet de parc éolien à Sainte-Croix et à L’Auberson, assène les données et cite les sources, confronte les promesses et les faits, décortique les aberrations et les manigances. Bref: en lisant ses pages pugnaces, on comprend l’ardeur de l’auteur à défendre ses hauteurs.
Forcément partisan, Bühler à le verbe fort et il l’assume: «Je suis indigné, en colère, infiniment triste. Quand on a le sentiment d’être victime d’un déni de justice, quand on est confronté au mensonge et à la dissimulation {…} on est peu enclin à pratiquer une politesse exquise.» Tant mieux. Mais quels sont ses griefs? Zoom arrière.

Référendum ignoré

Dans les années 1990, Romande Énergie S.A. et l’État de Vaud prévoient de dresser sept éoliennes par là-bas en haut. Appâté, le Conseil communal de Sainte-Croix se rallie au projet. mais la jacquerie gronde. Groupés en association, les opposants obtiennent en 1999 un référendum local qui flanque une bonne baffe aux autorités: 60% de non à un crédit d’étude municipal. Ignorer ce vote, selon des états de droit demandés alors par les vainqueurs, serait un «déni de droit démocratique», mais les promoteurs et le Canton ignorent ce vote. Ça commence bien, et ça préfigure la suite.
Au début, Bühler n’a rien contre les machines à vent. Pesant le pour et le contre, il s’informe avec soin avant de conclure que le contre est nettement plus lourd. D’abord, le rendement énergétique prévu est plutôt faiblard, d’autant qu’en plein processus la Confédération revoit ses calculs: entre 2016 et 2019, la force estimée des vents sur le site de Sainte-Croix est carrément réduite de moitié, et la production du parc en kilowattheures aussi. Est-il bien raisonnable de cochonner pour si peu une nature intacte? Sans compter que la fabrication des hélices, riches en matériaux rares, est salement polluante, que les engins ne tournent que vingt ans et qu’ils ne sont pas recyclables. Que les nuisances sur la qualité de vie des riverains sont amplement avérées. Qu’à cet égard les normes suisses  quant à la distance requise entre un mât et une habitation datent du temps où les éoliennes ne culminaient qu’à 30 mètres contre 150, voire 200 mètres aujourd’hui. Que les machines trucident pas mal d’oiseaux et que leur implantation écœure cervidés et galinettes sauvages. Qu’elles contrarient le tourisme. Qu’elles dévaluent les bâtiments du coin et donc amenuisent les recettes fiscales. Entre autres tares.
De fait, de plus en plus de scientifiques et de politiques, dont des écolos convaincus, considèrent que l’éolien n’est plus la panacée. Selon eux, il est bien plus futé de miser sur le solaire. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Bühler chez lui: grâce à l’isolation de ses murs et aux panneaux sur son toit, le Vaudois produit plus de jus qu’il n’en consomme («jus» s’entend ici au sens électrique uniquement).
Mais la résistance bühlérienne aux hélices draine aussi des réflexions de fond. De un, le courant éolien profite à tous, mais ne nuit qu’à des montagnards dont les voix comptent peu. Est-ce juste? Que se passerait-il si l’on voulait imposer des hélices géantes en ville ou au bord du Léman? Bonnes questions. De deux, les éoliennes rapportent: «Ce n’est pas le vent qui les fait tourner, mais les subventions», souligne Bühler. En clair, les contribuables paient, les consommateurs repaient et les actionnaires encaissent. Un lobbying intensif aiguillonne dès lors le zèle des autorités, avec à la clé des procédures douteuses et des arguments rotors. À Sante-Croix en tout cas, et de trois, les cachotteries, les diktats et autres combines, ainsi qu’un verdict saugrenu du Tribunal fédéral, entachent la mise sur pied du projet éolien. C’est gênant.
Documents à l’appui, Michel Bühler met tout ça en lumière tandis que les bulldozers, depuis l’automne, raturent les pâturages: son combat obstiné et argumenté contre les marchands de vent mérite une bise.

LAURENT FLUTSCH,
Vigousse, 21 janvier 2022

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Les Maîtres du vent, c’est un titre qui inspire… Qui, de prime abord, insuffle un air de poésie. Vent du dieu Éole, force invisible qu’on apprivoise pour en tirer de l’énergie… Vent des paroles, celles, insidieuses, que l’on sème et qui se dispersent parfois sans laisser de traces… Ce n’est que du vent… Et pourtant ce souffle impalpable agite les esprits, provoque bien des turbulences… Vent qui empêche de dormir la nuit…
Le texte en soi n’a rien de poétique: c’est le récit d’un long combat juridique, où l’âme du poète y perd son latin en s’empêtrant dans les articles de lois, les arrêtés du tribunal fédéral, le langage tatillon des juristes, et surtout les complots qu’on ourdit, les tractations silencieuses qui tissent leur toile de fond.
L’enjeu est pourtant clair: l’installation d’un parc d’éoliennes sur les hauteurs de Sainte-Croix. Au départ, il s’agit d’une simple confrontation d’opinions; il y a ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Chacun avance ses arguments. Là où certains ne voient qu’une belle source d’énergie verte, d’autres mettent en doute ce dogme de la bonne conscience écologique et questionnent à propos des nuisances sur la santé, le paysage… Il faut voter… Et puis le combat change radicalement de visage quand on se rend compte que les jeux sont déjà faits, que le sort est scellé depuis longtemps sur le terrain de la politique et des lobbies économiques. Quand on comprend qu’on nous traite comme de petits pions sur l’échiquier des «parties prenantes». On se bat désormais pour une cause existentielle: sa légitimité de citoyen, son droit, ses valeurs… Et sa fierté de péquenot! N’en déplaise aux visionnaires qui pensent voir plus haut, plus loin que tout le monde. Cette histoire qui pourrait être perçue comme une petite affaire loco-régionale de peu d’envergure, prend soudain une dimension universelle: c’est le symbole de la résistance contre la logique du pouvoir et de l’argent.
Mais quand les Maîtres du vent ont détourné l’élément à leur profit, il ne reste que le silence du désarroi. D’où peut-être l’urgence de sortir ce livre, tel un cri du cœur, une diatribe contre la résignation de ceux qui ont laissé faire. Un texte militant, mais l’écriture sert aussi à défendre des causes, les grandes comme les petites. Dans ce registre, la parole de Michel Bühler est sincère et percutante. Il faudra sans doute un peu de temps et une certaine prise de distance pour que le chanteur et l’écrivain puisse nous faire sentir l’esprit des montagnes de Sainte-Croix et l’âme de ses habitants qui, quoi qu’il arrive, ne se laisseront pas mystifier et détourner par les Maîtres du Vent.

Blog de
FRÉDÉRIC LAMOTH

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«Les technologies vertes – devenir vert – c’est plus gros qu’Internet. Cela pourrait être la plus grosse opportunité économique du XXIe siècle ». John Doerr, Salvation (and Profit) in Greentech

 John Doerr est un capital-risqueur, l’un des premiers investisseurs de Google et d’Amazon.

L’éditeur Bernard Campiche, dorénavant installé à Sainte-Croix, a commencé en fin d’année dernière à publier les œuvres complètes, en version poche (camPoche), de Michel Bühler, le plus connu des habitants de Sainte-Croix. Le second volume, paru en décembre 2021, est un inédit, intitulé Les Maîtres du vent, qui prend justement pour cadre cette commune du canton de Vaud, située dans le district du Jura-Nord vaudois entre Yverdon-les-Bains, Fleurier et Pontarlier. Un titre dont on perçoit dès les premières pages la portée ironique: ces Maîtres du vent ne dominent leur élément que du haut de leur prétention, de leurs mensonges et de leur cupidité.
De quoi s’agit-il?
Un parc industriel éolien va s’implanter de gré ou de force (les travaux de défrichement ont débuté l’année dernière) sur les hauteurs dominant Sainte-Croix et L'Auberson. L’acharnement des industriels et des autorités vaudoises à imposer ce projet, malgré vingt ans d’oppositions qui ont déchiré la population, vient du fait que les éoliennes de Sainte-Croix, en tant que plus ancien projet vaudois, sont devenues un symbole: si la résistance citoyenne devait l’emporter, tous les autres parcs prévus seraient remis en question; dans le cas contraire, la voie deviendrait libre pour dénaturer les crêtes du Jura par l’implantation d’une nouvelle espèce d’arbres de 150 mètres de hauteur et dont l’espérance de vie – mais sûrement pas l’exposition de leurs carcasses – ne dépasserait pas vingt ans.
Les Maîtres du vent est la chronique de cette résistance citoyenne tenue par un membre du conseil communal – Michel Bühler était alors élu socialiste au conseil communal de Sainte-Croix avant qu’il ne démissionnât de l’un et de l’autre –, une chronique qui se transforme vite en une sorte de catalogue de toutes les entorses au processus démocratique qu’une Municipalité, en l’occurrence celle de Sainte-Croix (et derrière elle les investisseurs qui la téléguident), emploie pour s’imposer au conseil communal (contrats secrets, rétention d’informations, politique du fait accompli, manipulations, omissions, mensonges, etc.)
L’auteur commence par planter le décor: la commune de Sainte-Croix se situe «à une altitude de mille mètres. Presque six mille habitants. Un gros village dans une cuvette, Sainte-Croix, où vit la majorité de la population. Au nord ouest, une longue crête, le Mont des Cerfs. De l’autre côté, un village rue, L'Auberson, et divers hameaux sur le plateaux des Granges. La frontière avec la France court pas loin, dans les forêts de sapins. Autour, des montagnes dont les plus hautes culminent à mille six cents mètres, le Chasseron, le Cochet, les Aiguilles de Baumes.» Autrement dit, des lieux épargnés par la modernité, dont les constructions les plus récentes remontent à cinquante ans au moins.
Personne, même le plus illuminé des promoteurs, n’aurait l’idée saugrenue de construire une zone industrielle dans un tel décor, et si c’était le cas, il ne se trouverait pas un seul citoyen qui ne s’y opposerait pas aussitôt. Et pourtant, l’idéologie écologique peut être si aveuglante (et les profits qu’elle engendre si importants) qu’une bonne partie de la population ne voit pas d’un si mauvais œil l’implantation d’un parc éolien en un lieu naturel préservé.
Car il ne faut pas s’y tromper, l’implantation d’aérogénérateurs, une fois le vert de l’idéologie effacé, c’est ni plus ni moins l’industrialisation des campagnes et des montagnes: pollution du sol (par éolienne, 1500 tonnes de béton, des tonnes d’acier, de fonte, de cuivre et d’aluminium, présents dans la nacelle et le mât), pollution sonore (jusqu’à 40 dBA par éolienne), effets sur la santé des habitants (stress, maux de têtes et dépressions provoqués par les infrasons), des pales qu’on ne peut pas recycler, qu’il faudra enterrer en fin de vie, sur lesquelles se forment en hiver, lorsqu’elles sont à l’arrêt, des blocs de glace pouvant être projetés à trois cents mètres au moment de la remise en marche (gare aux promeneurs et aux skieurs de fond) – à ce sujet, il est prévu de chauffer les pales pour éviter ce risque; avec de l’électricité d’origine nucléaire?
Seulement voilà! Le plus souvent, l’idéologie verte ne fleurit pas dans nos montagnes et dans nos campagnes, mais dans nos villes, par une espèce communément surnommée «bobo», des citadins qui ont parfois acheté un petit bout de terrain et qui s’opposeraient férocement à l’implantation d’éoliennes dans leur arrière cour ou sur les lacs dont ils dominent la vue. Mais du moment que ces grandes hélices tournent loin de leur regard… Qu’ils imaginent pourtant une cinquantaine d’éoliennes sur le Léman, de Cologny à Nyon. Ça vous aurait une de ces gueules!
Mais je m’égare. Revenons à nos moutons et à Sainte-Croix.
Ce qui provoque avant tout l’ire de Michel Bühler, c’est le jugement rendu par le Tribunal fédéral suisse (TF), le 18 mars 2021, par lequel le parc industriel éolien prévu sur les hauts de Sainte-croix se voit attribuer l’appellation d’«intérêt national». En voici la justification:
«Les installations de production d’énergie éolienne offrent en effet de la flexibilité de production dans le temps et en fonction des besoins du marché et contribuent de manière significative à la sécurité de l’approvisionnement, en particulier en hiver où la consommation électrique est la plus élevée, en permettant de charger ou de décharger le réseau selon les besoins.»
Ah bon! En somme, selon les juges fédéraux qui ont rendu publiques ces insanités – des juges dont le pouvoir est absolu et dont la parole ne peut être contestée – les éoliennes peuvent fournir du courant même lorsqu’il n’y a pas de vent, et fonctionner à volonté, dans les deux sens, comme si elles étaient dotées à leur base d’un petit robinet qu’on pourrait ouvrir et fermer au gré de nos besoins. À moins que, en fait de robinets qu’on ouvre, il ne faille voir là la magie des subventions fédérales qui font tourner les pales et qui assurent la rentabilité de ces engins plus sûrement que le vent. (Pour information, la Confédération assure aux promoteurs un rachat de chaque kilowattheure à un tarif bien supérieur au prix du marché, un cadeau aux actionnaires généreusement financé par vous et moi).
«Même les partisans les plus convaincus de l’industrie éolienne, même les lobbyistes les plus grassement payés et les plus acharnés n’oseraient pas publier des âneries comme celles qui sont proférées ci-dessus», s’écrie l’auteur. On le comprend. Tout le monde sait, même le plus ignorant, que l’énergie produite par des aérogénérateurs est une énergie dite «intermittente», c’est-à-dire correspondant à des flux naturels qui ne sont pas utilisables en permanence et dont la disponibilité varie fortement sans possibilité de contrôle. Exactement le contraire des affirmations du TF dont les arrêts, aussi ineptes soient-ils, sont pourtant sans appel. «Qu’est-ce donc qui peut expliquer l’existence, ici, d’une telle faute professionnelle? L’incompétence, le manque d’information, le travail de sape des lobbies? Bien sûr, j’hésiterais à ajouter à cette liste de suppositions d’autres raisons...» se questionne légitimement Michel Bühler. (Selon des estimations, on devrait hérisser la Suisse d’au moins 4500 éoliennes pour espérer remplacer les centrales nucléaires, «en priant Dieu qu’il fît du vent» comme le chante Brassens.)
Sauf que, même incohérent, même mensonger, l’arrêt du TF est un oukase qui sonne le glas des résistants de Sainte-Croix. Quand il est question d’énergie renouvelable, la démocratie s’efface. Aux opposants, il reste la dérision. C’est en ce sens que Michel Bühler se propose de créer une nouvelle ONG répondant au sigle SSF (Souffleurs Sans Frontières), qui serait formée de volontaires ayant pour mission, les jours où Éole paresse ou fait grève, d’aller souffler sur les pales pour les faire tourner. Ainsi, le Tribunal suprême, qui ne peut pas avoir tort, ne sera pas pris en défaut. Car si la réalité se trouve en contradiction avec une affirmation d’une de nos institutions essentielles, dont les arrêts sont sans appel, c’est donc sur la réalité qu’il faut agir. CQFD. Dans les tragédies classiques, celles de Racine particulièrement, cette rédemption à l’envers est celle de Dieu par l’homme. À Sainte-Croix, plus modestement, ce sera celle des Institutions pas les citoyens. Patriotes, à vos marques!
Michel Bühler précise que certains habitants des villes qui rêvent de polluer les crêtes, jurassiennes ou autres, pourraient être obligés, au vu de leurs opinions, de venir souffler solidairement avec lui. Mais que ceux-ci se réjouissent! Outre la bouche et le nez, les souffleurs, pour éviter au TF le ridicule, pourront mettre à contribution d’autres orifices naturels. Après un bon repas, quel joyeux défoulement! Et l’on verra bien, alors, qui sont vraiment les maîtres du vent! Dernière précision: les animaux sont admis (les vaches souhaitées), et tant pis pour les émissions de CO2!
Enfin, pour se mettre au diapason des usages en vigueur dans les milieux de l’éolien, il sera observé la même opacité: toute contribution financière à cette ONG salvatrice de nos institutions restera strictement confidentielle. Vous êtes donc tous invités à passer au domicile de Michel Bühler à Sainte-Croix pour glisser vos billets sous sa table.
Vive la Confédération! Vive le TF!

PIERRE BÉGUIN,
Blogres

https://blogres.blog.tdg.ch/archive/2022/01/07/les-maitres-du-vent-319524.html

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«Les mots sont mes seules armes.»

Avec Les Maîtres du vent, paru chez Bernard Campiche, Michel Bühler signe un texte partisan, qui retrace, de son point de vue, les péripéties et les rebondissements du projet de parc éolien de Sainte-Croix. Un devoir de mémoire.

La construction en cours du parc éolien à La Gittaz et au Mont-des-Cerfs. sur les crêtes dominant Sainte-Croix, est le dernier acte d'une saga qui a débuté il y a une vingtaine d'années déjà. Une perspective qui a divisé et divise encore la population de la commune qui, depuis le séisme de la désindustrialisation dans les années 1980, s'appuie sur un artisanat haut de gamme dans la  mécanique d'art et sur le tourisme doux. Les visiteurs viennent de Suisse alémanique, de Lausanne ou de Genève pour profiter de la nature et de la tranquillité.
L'écrivain et chansonnier Michel Bühler a ressenti le besoin de se pencher sur ces années, et de convoquer sa mémoire pour rédiger Les Maîtres du vent, paru chez Bernard Campiche. L'auteur explique dans un préambule avoir consulté de nombreux documents, dont il tient les références à la disposition des lecteurs qui souhaiteraient en prendre connaissance. Il admet que «de menues inexactitudes peuvent apparaître ici ou là. Elles sont dues au sentiment d'urgence qui ma poussé à écrire et qui ne changent rien au fond de l'affaire», relève-t-il.

Laisser une trace

«Depuis toujours, les mots sont mes seules armes, tant dans mes chansons que dans mes autres écrits», évoque l'écrivain. «Aujourd'hui, en face, nous avons d'énormes intérêts financiers, je le sais. Mais je crois en le pouvoir de la vérité. Je n'ai pas peur», confie le septuagénaire à propos de sa motivation pour écrire ce livre. «J'écris là pour qu’une trace existe, de mon point de vue, de ce qui est arrivé dans un tout petit coin de la Suissee...»
À travers l'exemple de Sainte-Croix, il relaie les doutes et les craintes de ceux qui se sont interrogés au fil du temps sur ces machines encore peu connues en Suisse dans les années 1990, que l'on suppose brasser l’air en silence comme de gigantesques moulins à vent. À l'époque, on ne parle ni d'infrasons, ni de problèmes de santé, ni d'oiseaux déchiquetés ou de tonnes de béton enfouis dans les pâturages et forêts. «À l'évidence, et pour beaucoup, l'éolienne représentait le progrès qui permettait, en plus, de se tirer des griffes de l'hydre nucléaire», écrit Michel Bühler, qui relève aussi que «déjà, dans la commune, quelques personnes ne sont pas convaincues par cette image idyllique».
Le lecteur découvrira au fil des 140 pages de l'ouvrage l'argumentaire de Michel Bühler, tel qu'exprimé lors de ses prises de position, notamment au Conseil communal où il a siégé jusqu'à la fin de la législature. «J'utilise parfois des termes que l'on pourra juger excessifs, je les assume», prévient l'auteur. On retrouve ce ton incisif et accusateur quant à diverses prises de position de la Municipalité de Sainte-Croix, mais aussi à la décision du Tribunal fédéral qui anéantit la démarche des opposants en argumentant, notamment, que l'énergie éolienne est actionnable à la demande.

Pesée d'intérêts

Michel Bühler, engagé depuis vingt ans avec d'autres dans une résistance «déterminée et motivée» contre les côtés sombres des aérogénérateurs, l'affirme: «...comme une importante partie des habitants de la Commune, je pense que le parc industriel éolien est néfaste pour la région, tant pour ce qui concerne la santé des habitants que sur les plans financier et touristique. Une simple pesée d'intérêts fait nettement pencher la balance en défaveur de ces énormes machines.»
Qu'attend-il, avec la parution de ce livre?» «Le TF“autorise”la construction, il ne l“oblige”pas! Si le parc se fait, c'est qu'il y a une volonté de la Municipalité et de Romande Énergie. J'attends qu'en conséquence, on renonce à cette construction et qu'on remette nos pâturages dans leur état d'origine», répond Michel Bühler.
Dans cet ouvrage où l'amertume et la véhémence du propos se côtoient souvent, on trouve aussi des passages plutôt sarcastiques, comme la création des Souffleurs sans frontière.
«C'est un gag, une nouvelle ONG que j'ai imaginée pour souligner le ridicule de la décision du TF. En effet, ce tribunal suprême ne peut avoir tort, jamais! Donc, pour qu'il ait raison, en tout temps, je propose de former des brigades de volontaires qui iront, les jours sans vent, souffler sous les éoliennes pour les faire tourner. Ainsi, le TF aura raison, et tout sera pour le mieux dans le meilleur des mondes!» L'auteur a d’ailleurs envoyé un exemplaire des Maîtres du vent  à la Présidente du Tribunal fédéral, en lui souhaitant une bonne lecture.

CLAUDINE DUBOIS,
Journal de Sainte-Croix et environs, 31 décembre 2021

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Un parc industriel éolien est projeté sur les hauteurs dominant Sainte-Croix et L'Auberson depuis plus de vingt ans, par des gens qui semblent se prendre pour les maîtres du vent.
Depuis plus de vingt ans, cette perspective divise la population de toute la commune en deux camps quasiment égaux.
Tandis que les municipalités successives, les autorités cantonales et le promoteur Romande Énergie faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour que ce parc voie le jour, des citoyens et des associations multipliaient les recours et les actions pour échapper à ce qu'ils considéraient comme une calamité.
Au fil du temps, les péripéties et les rebondissements ont été nombreux.
Alors qu'un nouvel acte (le dernier?) est en train de se jouer, il me paraît indispensable de revenir sur ces événements. J'osais espérer que le sujet intéresserait quelqu'un, un journaliste par exemple… Personne ne se penchant sur ces années, je me suis mis à l’ouvrage, j'ai pris mon plus beau clavier et convoqué ma mémoire.

Vous pouvez nous commander directement cet ouvrage par courriel.

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